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MAJOGBÉ.

senti que je montais en l’air, que je passais à travers le toit, que j’étais emporté très haut, très haut… et je me suis endormi. C’était très doux. Ce matin, de bonne heure je me suis réveillé. Je me trouvais sur le chemin d’Ikorodou, je suis venu chez toi parce que l’onibodé m’a dit que tu m’attendais ; j’ai faim, donne-moi à manger.

Elado était un homme à l’esprit subtil et très renommé pour son habileté à trouver la vérité dans les discussions, IL avait l’œil perçant ; lorsqu’on lui causait, il savait regarder jusque dans le cœur. Il découvrait la couleur des paroles que son oreille pouvait mal entendre. La bouche des hommes est parfois si pleine de pièges que lorsqu’ils en sortent, les mots ont changé de vêtement. Elado entendait avec les yeux, il voyait les paroles quand la méchanceté ou la ruse n’ont pas encore eu le temps de les parer. Dans le grand conseil, on disait que pour le tromper et lui faire croire ce qui n’était point vrai, il fallait avoir un pacte spécial avec les esprits du mensonge. Seul, le vieux Maté lui disputait ce pouvoir.

Cependant Elado interrogea vainement le petit Majogbé en le pénétrant de son regard le plus perçant ; il ne put voir que le petit Majogbé se moquait de lui.

Il l’éprouva même par le fouet. Si Majogbé, petit gaillard courageux, pensait-il, avait eu intérêt à mentir, il n’aurait point parlé sous les coups, se