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MAJOGBÉ.

sang et des dieux. Il faisait cela instinctivement. Il savait que, surpris, on le tuerait ; mais la crainte d’aucun supplice ne pouvait l’arrêter. Il devait agir ainsi.

Néanmoins ces deux forces dominantes en son âme de primitif — passion du culte au cher mort, passion de la vengeance — n’excluaient point d’autres forces précieuses, la combativité concentrée, la ruse, la patience, le souvenir ; et cela faisait de ce petit sauvage une machine de lutte excessivement dangereuse pour ceux contre qui elle était bandée.

Ainsi qu’un animal domestique très aimé et câlin, Majogbé se glissait, les jours audience, derrière son maître, sur la même peau de cheval. Presque toujours les grands, les Ogbonis, les riches qui venaient saluer Elado, voyaient dans l’ombre sur eux le regard brillant de l’enfant, ce regard dont Maté, l’Ologbo Oro, sentait encore la brûlure menaçante.

Le vieux pontife avait toujours au fond du cœur le ressentiment de l’affront subi dans le temple à cause de Majoghé. Cela lui donnait une terrible haine contre le gamin. Mais il devait le respecter, car Elado le protégeait trop. Et Maté n’osait pas engager une lutte avec l’Akpenan. IL ne pouvait