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MAJOGBÉ.

Les jeunes élégants d’Aké ne se rasaient point la tête eux-mêmes. Leurs couteaux, disaient-ils, n’étaient point d’assez bon fer et ils n’avaient pas la légèreté, l’habileté de main nécessaire pour rendre la peau nette, luisante, avec, aux places voulues, les touffes de poils que la mode exigeait qu’on laissât. Ils préféraient les barbiers gambaris.

Majogbé était un jeune homme très élégant. Aussi, lorsque le bon ton demandait qu’on cûl une touffe de poils en triangle, en carré ou en losange à la partie postéro-inférieure du pariétal droit, il se serait cru déshonoré en portant cette touffe, ronde ou irrégulière, à la partie antérieure ou supérieure de ce même pariétal. La porter à gauche eût été plus que du déshonneur. Il ne luttait jamais contre la mode et confiait sa tête aux rasoirs gambaris.

Un vieil homme avait, ce jour-là, mission de lui polir le crâne et le front, en laissant à droite un tiers du sourcil. Cela était un genre tout à fait nouveau apporté par un musicien qui venait d’Oyo. La veille, dans un festin, chez un chef qui se mariait, on avait entendu et vu ce baladin. Il avait bon air, grande mise, chantait de jolies choses et battait du tambourin avec grâce. On l’avait admiré, adopté. Son tiers de sourcil porté à droite devenait le dernier cri de la suprême élégance. Majogbé, depuis