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MAJOGBÉ.

au marché, où les hommes pourraient te voir.

— Alors, je serais plus esclave qu’une captive de guerre. Je serais comme les mauvaises femmes que l’on met au cachot, comme les criminelles à qui voir la lumière n’est plus permis… comme une morte ! Fuluani dit des folies. Ce n’est pas bien pour un homme dont la barbe a blanchi ! Fuluani, si les femmes, dans ton pays, sont malheureuses, ne viens point gâter le sort de celles qui, dans cette ville, ne t’ont jamais fait de mal…

— Tu entends, Fuluani, dit Majogbé, voilà ce qu’il fallait te répondre… Tu comprends ?

Et à Banyane :

— Ne crains rien, si jamais je suis puissant et que tu veuilles bien que je te prenne pour femme, je ne te retiendrai pas prisonnière… Si…

Mais Banyane, qui était cependant la plus rieuse des vierges et aussi la plus parleuse, Banyane, à la langue batailleuse, qui jamais de court n’était prise, sachant, d’une riposte à propos lancée, faire taire qui l’attaquait, la raillait, Banyane, en entendant ces paroles, redevenait la petite fille timide qui, perdant au jeu d’ayo, n’osait dire à Majogbé qu’elle l’avait vu tricher. Elle remit sur sa tête la calebasse et le plateau qui contenaient ses provisions, rajusta son pagne sur ses hanches et partit.