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MAJOGBÉ.

perles comme il n’y en avait point d’autre à Akë ; seule, Banyane avait une ceinture précieuse que l’on envierait sans pouvoir limiter, et d’autres ornements encore, une glace que l’on pendait au cou par une chaîne et un étui de métal pour la pierre qui bleuit les yeux. Pleines de jalousie, les jeunes femmes, les mères insultaient la vierge, qui, bon œil et bon bec, fière, debout, les poings sur les hanches, rétive, cambréc comme une jeune cavale qui n’a point encore subi la meurtrissure de la selle, se défendait le verbe haut, répondant aux insultes par de plus violentes insultes, aux malédictions par des malédictions plus terribles, aux railleries, aux moqueries par des grimaces. Quand Majogbé parut et se sauva, elle le suivit pour le remercier encore. Avant de déserter le champ de bataille, elle tourna le dos à ses jalouses, releva son pagne et leur adressa la plus honteuse injure que les primitifs connaissent. Puis elle partit, riant, heureuse des jalousies exaspérées qu’elle laissait derrière elle.

Majogbé allait montrer une caloite de velours rouge à glands d’or et une canne de jonc à ses amis, les élégants en flânerie devant le temple de Fuluani. Elle courut et le rattrapa.

Essoufflée, elle lui tomba sur le dos, le serra des bras et le baisa. Des jeunes hommes qui passaient se moquèrent. L’un d’eux, l’esclave d’un chef rival d’Elado, voulut aussi une caresse de la belle