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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/70

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MAJOGBÉ.

les épines, se crever les yeux, mais c’était tout. Et ce tout n’était rien en comparaison du spectacle qu’offraient les jongleurs tacpas. Ceux-ci avaient des musiciens qui, avec des instruments inconnus, de longs tubes de cuivre, faisaient des harmonies très étranges et qui rappelaient le barrissement des grands éléphants. Leurs tambours, sous les baguettes, roulaient comme les grondements de Chango lorsque le dieu tonne sa colère dans les vallées rocheuses. Ils dansèrent en tournant et donnèrent à leurs longues tuniques des formes divertissantes ; on eût dit que l’homme avait par instants sur la tête un grand champignon, un toit plat et immobile, tellement il tournait vite ; puis il paraissait un oiseau ou un papillon à grandes ailes qui battaient l’air avec des froufrous. Ces danseurs s’enterraient les bras, et, sur la tête, avec les jambes en l’air, ils faisaient des contorsions et des tours. Les jongleurs étaient encore plus extraordinaires. Ils mettaient la tête dans des trous remplis de charbons ardenis et, de longs instants après, ils se relevaient sans être brûlés. Ils se coupaient la langue ; on voyait la plaie, on voyait le sang, puis on ne voyait plus rien, plus de plaie, plus de sang. L’un d’eux avalait une épée. Un autre se transperçait la poitrine. Les hommes d’Aké disaient : « Ceux-là sont de bien grands sorciers. Ils ont de bonnes médecines et savent se faire protéger par les génies. » Des éguns étaient jaloux. Quelques vieux,