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MAJOGBÉ.

tes fils, des trésors plus riches encore que le sacrifice d’aujourd’hui.

— Tu es bon, Majogbé. Merci à toi. Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai.

— Maître, que peut désirer un esclave ?

Dès que le jeune homme fut seul, il prit une natte, sortit de la maison et alla s’étendre en plein air sur un rocher non loin duquel, en bas, dans la plaine, comme une tache sombre, apparaissait le bois des suppliciés. Il se roula dans son pagne et voulut dormir. I1 ne put. Dans sa tête battait la fièvre. Dans son cœur, deux passions se heurtaient, violentes. I1 voyait, il entendait sa vengeance. Ne le raillait-il pas, ce maître haï, venant lui parler de la fête de ses funérailles ! à lui ! Certes, il la ferait belle, certes il y aurait de la joie… le jour où Majogbé pourrait anéantir Elado et l’offrir, dernière victime expiatoire, à celui qui dormait dans le bois maudit, sans que jamais les esclaves ou les femmes vinssent troubler son sommeil avec les fusils, les chants et les tambours des sacrifices. Il sentait monter en lui des colères qui l’étouffaient, comme une boule d’igname trop dure qui s’arrêterait dans le cou, ne voulant passer.

Et puis, c’était l’image de Banyane. Pourquoi cette vierge était-elle si belle ? Pourquoi était-elle la