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A. MOUANS

Le vent paraissait bien établi, une petite brise qui soufflait du nord-est.

Déjà quatre hommes étaient au cabestan, prêts à virer, et les passagers se placèrent aux barres pour leur venir en aide. De son côté, John Carpenter et plusieurs matelots s’occupaient à larguer les huniers, les perroquets, les focs, les basses voiles, puisa hisser les vergues, afin de les amarrer et de les border dès que l’on serait à pic.

« Dérapez », ordonna un moment après Harrv Markel.

Les derniers tours du cabestan firent remonter l’ancre à son bossoir, où elle fut traversée.

« Amarrez et bordez partout, commanda Harry Markel, puis cap au sud-ouest. »

L’Alert, ayant pris de l’erre, commença à s’éloigner de Roberts-Cove, tandis que les jeunes garçons arboraient le pavillon britannique en le saluant de leurs hurras.

M. Horatio Patterson se trouvait alors près de Harry Markel devant l’habitacle. Et, après avoir déclaré qu’il était enfin commencé, le grand voyage, il ajouta :

« Grand et fructueux, capitaine Paxton !… Grâce à la générosité princière de Mrs Kethlen Seymour, il assure à chacun de nous une prime de sept cents livres à notre départ de la Barbade ! »

Harry Markel, qui ne connaissait rien de cette disposition, regarda M. Patterson, puis s’éloigna sans prononcer une parole.

Il était huit heures et demie. Les passagers apercevaient encore les lumières de Kinsale-Harbour et le feu de Corrakilly-Bay.

À ce moment, John Carpenter, s’approchant de Harry Markel, lui dit :

« C’est bien cette nuit ?…

— Ni cette nuit ni les autres !… répondit Harry Markel. Nos passagers vaudront chacun sept cents livres de plus au retour ! »

Jules Verne.

(La suite prochainement.)


LA PREMIÈRE PLACE



La petite maison de Mlle Gerda Rosenwik, construite en bois à la mode suédoise, apparaît pimpante dans la couleur bleu ciel qui revêt ses murs extérieurs. Elle donne d’un côté sur le jardin bêché, sarclé, bien en ordre, qui se réveille pour le brillant printemps Scandinave. L’autre façade est sur la rue, et Marguerite Lodbrod, la nièce de la vieille demoiselle, surveille le va-et-vient des passants, près de la fenêtre ouverte.

Une vraie rose du Nord que Marguerite : quatorze ans, de soyeux cheveux blonds, un teint délicat et des yeux, ah ! des yeux !  ! ils en disent long sur le caractère de la fière et remuante petite personne, qui sait se faire bien voir de ses professeurs, admirer de ses compagnes et un peu de tout le monde. Parfois la tante Gerda, dont l’âme est droite et rude comme toute sa personne, lève les épaules en murmurant :

« Il faudra une bonne leçon à cette enfant pour la rendre plus modeste.

— Bonjour, Olaf, cria tout à coup Marguerite en se penchant au dehors ; un beau temps aujourd’hui.

— Un temps superbe, répond Olaf ; malheureusement ma cousine Lot ta n’en jouit guère ; hier soir, elle s’est foulé le pied et ne peut pas bouger.

— Une foulure ! tu crois cela, naïf, reprit la fillette de sa voix la plus flûtée ; on voit que tu n’assistes pas à notre cours chez M. Duff. Tu saurais que toutes les élèves sont dans un embarras !… Le sujet de notre pro-