chaine composition leur semble si difficile !… »
Le jeune garçon leva vers Marguerite un regard étonné :
« Pardonne-moi ; je ne comprends pas quel rapport il peut y avoir entre le pied de ma cousine et cette composition.
— Pauvre Olaf ! il faut donc t’expliquer ce qui se devine de soi ! Depuis quelque temps, Lotta Lutzen se met à travailler ferme ; sa grande prétention est d’obtenir la première place.
— C’est son droit, il me semble, puisqu’elle se donne de la peine.
— Oui, mais il faudrait pour cela que je consentisse à la lui céder, cette place qui est la mienne, entends-tu bien, toujours la mienne depuis que nous concourons ensemble.
— Ce n’est pourtant pas impossible pour Lotta de l’obtenir à son tour ; elle est intelligente et tu dis qu’elle travaille sérieusement. »
Les lèvres de Marguerite s’allongèrent assez dédaigneuses.
« Sans doute ; elle fait des progrès, moyennant, bien entendu, que son père lui vienne en aide.
— Qui te l’a dit ?
— Personne, mais comment pourrait-elle s’en tirer seule ?
— Tu t’en tires bien, toi…
— Oh ! moi, fit la fillette avec un petit sourire de supériorité qui expliquait assez sa pensée… Enfin, pour en revenir à notre composition, Lotta en parlait d’un air désolé. Son père est à Upsal en ce moment, il ne peut donc pas l’aider. C’est pour cela qu’elle s’est donné une entorse ; excellente idée qui la dispense de concourir.
— Alors, tu l’accuses de mentir ! s’écria Olaf scandalisé.
— Bah ! un petit mensonge qui sauve l’amour-propre n’est pas un crime.
— La tromperie n’a jamais d’excuse ; de plus, un élève loyal doit travailler seul et se soumettre à la chance du concours.
— Tu en sais bien quelque chose, mon pauvre Olaf ! car personne n’a dû te donner de conseils pour échouer à ton dernier examen.
— Que veux-tu ? ce n’est pas de ma faute ; j’avais le cœur gros en annonçant à mes parents que j’étais refusé ; mais, quand on a travaillé consciencieusement, cela vaut tous les succès.
— Grand merci ! rien ne m’affligerait davantage qu’une pareille déconfiture. »
Si raisonnable que l’on soit à quinze ans, la raillerie émeut toujours. Olaf soupira, ses yeux devinrent humides. Néanmoins, il repartit sans aigreur :
« Heureusement pour moi, mes parents sont indulgents : ils tiennent compte de ma bonne volonté. Mais je m’attarde trop ici. Au revoir, Marguerite ; on m’attend à la maison.
— À bientôt, Olaf. »
La fillette le regarda s’éloigner avec un sourire de pitié.
« Ce bon garçon, il a vraiment l’esprit lourd », pensait-elle.
Pourtant une certaine inquiétude lui restait, il avait dit :
« Lotta, qui est intelligente, peut réussir en travaillant bien. »
Et ces simples mots s’enfonçaient comme des épines dans l’amour-propre de l’écolière sans rivale ! Un peu ébranlée dans l’assurance qu’elle avait en elle-même, elle s’installa devant sa table à écrire, lut et relut le sommaire de la composition.
« Tante Gerda, pourrais-tu me donner quelques conseils pour mon devoir ?… une des plus importantes compositions de l’année. »
Mlle Rosenvik, qui venait d’entrer enveloppée d’un grand tablier de popeline à fleurs, braqua sur sa nièce ses petits yeux clairs :
« De mon temps, les filles n’étaient pas aussi instruites qu’aujourd’hui. Quand tu voudras apprendre à assaisonner le gibier de façon irréprochable, demande-moi mes avis ;