Un matin, ils grattèrent à sa porte, il n’était pas sept heures.
On avait projeté ce jour-là de se rendre aux grottes de Beth. L’excursion ne demandant qu’un après midi, Thérèse avait consenti à en être, et de Kosen avait promis à Lilou et à Pompon de les emmener.
Claire ne fut donc pas trop surprise de leur visite matinale ; la crainte qu’on ne les oubliât avait dû les faire sortir du lit plus tôt qu’à l’ordinaire.
Ce n’était pas tout à fait cela. Sous l’empire d’une idée qui les tracassait, ils s’étaient échappés à demi vêtus des mains de leurs bonnes.
Lilou était encore en pantoufles. Ayant enfilé sa blouse lui-même, tout en marchant, Pompon l’avait mise à l’envers.
Ils donnaient des coups de poing dans la porte et criaient tous les deux :
« Claire ! Claire tante ! ouvre vite ! »
« Claire tante » passa un peignoir et ouvrit.
À peine entré, Lilou déclara d’un ton violent :
« Faut que tu es une maman z’à nous tout de suite. Tante Brigitte a dit hier qu’elle nous en achèterait une à Paris, une belle ! Moi, j’aime pas les mamans de Paris. Je veux toi. »
Il souligna cette déclaration d’un coup de talon énergique sur le parquet.
« Moi aussi, ze veux toi, appuya Pompon tout en faisant d’inutiles efforts pour boutonner sa blouse.
— Je vous ai dit cent fois que je ne voulais pas être une maman ; ni la vôtre, ni celle d’aucun bébé. Je déteste les enfants.
— Tu nous détestes pas, nous, fit Lilou. L’aut’ jour, tu as dit que tu nous aimais. Oui, oui, je l’ai bien entendu ! Tu l’as dit à ma sœur Thérèse. »
La jeune fille ne répondit pas tout de suite. C’était vrai qu’elle avait dit cela à Thérèse, et c’était vrai aussi qu’elle le pensait.
Comment se faisait-il qu’elle se fût ainsi attachée à ses neveux ? Elle ne se le demandait même pas : elle le constatait, voilà tout. Mais d’en convenir avec eux, elle n’avait garde.
« Pourquoi me parler d’être votre maman ? Je suis votre tante : cela suffit. Une tante, c’est presque une maman, insinua-t-elle.
— Non, non, non ! Tante Brigitte, c’est pas une maman du tout.
— Et puis, moi, poursuivit Claire, croyant avoir découvert un argument sans réplique, pour que je devienne une maman « z’à vous », il faudrait que mon père me le permît.
— Où il est, ton père ? s’informa Pompon.
— En Russie, mes petits ; autant dire à l’autre bout de l’Europe.
— Vas-y, tu lui demanderas la permission, firent-ils, s’accrochant à elle, câlins.
— Je ne peux pas ; c’est trop loin ; cela me fatiguerait. Et puis j’aurais peur à voyager seule. »
Lilou regarda son frère et déclara bravement :
« Nous y ailerons, nous deux, nous avons pas peur.
— Allez d’abord dire bonjour à mère-vieux, c’est plus pressé que de vous rendre en Russie. Il se trouve que Modeste a fait hier des galettes à votre intention. Vous retournerez ensuite achever votre toilette : vous n’êtes pas même peignés. Avez-vous pris votre tub, au moins ?
— Oui, oui. Peigne-nous, toi, nous crierons pas.
— Moi le premier, fit Pompon.
— Non, moi… »
Ping ! paf ! deux gifles, et bientôt quatre, suivies de hurlements…
Claire prononça sans s’émouvoir :
« Quand vous aurez fini… Je vous préviens que je peignerai d’abord celui qui cessera le premier de crier. »
Aussitôt ils se battirent pour s’empêcher mutuellement de fermer la bouche ; et, ne parvenant pas à leurs fins, présentèrent en