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même temps leurs deux têtes au peigne et à la brosse que brandissait Clairette.

« Et vous voudriez !… murmura-t-elle. Ah ! Dieu m’en préserve ! »

Elle rougit en formulant ce souhait. Son front se barra soudain d’un pli dur, et ses yeux devinrent tristes.

Elle passait alternativement le peigne dans les cheveux noirs de Lilou, puis dans la perruque frisée de Pompon, afin d’éviter une troisième bataille.

Et, peu à peu, ses traits se détendaient, mais le sourire qui lui vint aux lèvres était plutôt ironique. Elle songeait :

« Brigitte prétend se charger de choisir une maman à ces petits… Choisie par elle, la seconde baronne de Kosen sera une nouvelle édition de la première… Et encore… Si elle ne s’entendait pas avec son mari, Gisèle aimait bien ses enfants, mon cousin l’a dit à grand’mère… Tandis que… Pauvres gamins… et… pauvre Hervé !… »

La voyant demeurer silencieuse, perdue en des réflexions qui la tenaient à part d’eux, Lilou et Pompon la crurent fâchée. Cela les rendit sages. Ils se laissèrent peigner sans une protestation, sans un cri. Et, avec leur mobilité d’humeur accoutumée, une fois bien pomponnés, parfumés tous les deux, ils s’embrassèrent.

« À présent, la prière », dit Lilou, se mettant à genoux où il se trouvait.

Claire le fit se relever, et les conduisit devant son crucifix.

« Dites comme vous en avez l’habitude. Pompon commença :

« Mon petit Zèzus, ze vous donne mon cœur, prendez-le, et… et… Ze sais plus, tante Claire. »

Embarrassée, celle-ci leur fit réciter le Pater l’un après l’autre.

« Et que le bon Dieu bénisse papa et le rende bien heureux ! tu nous le fais pas dire ? s’écria Lilou scandalisé.

— Si… Si… »

Elle songeait :

« Moi aussi, quand j’avais leur âge, on me faisait demander cela au bon Dieu… pourquoi est-ce que je l’oublie si souvent aujourd’hui ! … »

Sa prière d’enfant lui revenait. Elle la leur apprit toute. Ils répétaient docilement les mots, attentifs à ne rien omettre.

Quand ce fut fini, Lilou conclut, se relevant :

« Nous reviendrons la faire, tous les jours, vers toi, notre prière.

— Pourquoi pas vous faire aussi laver, peigner, habiller tous les jours par moi !… Vous avez des bonnes… » fit-elle, de nouveau assombrie.

Après avoir conduit ses neveux à sa grand’mère, en leur recommandant de ne point s’attarder, la jeune fille remonta chez elle et s’habilla en vue de la promenade projetée.

Vers une heure, Hervé vint chercher sa cousine ; ce serait l’occasion de passer quelques minutes avec Mme Andelot.

« Déjà prête ! », s’exclama-t-il surpris, en voyant entrer Claire en chapeau, gantée, son capulet sur le bras.

Elle se mit à rire.

« Vous ne comptiez pas sur une telle exactitude de ma part, avouez-le. Mais cela ne nous oblige point à partir tout de suite. Je suis certaine que Thérèse n’en a pas fini avec ses bébés ; je m’étonne même qu’elle les quitte.

— Moi aussi. C’est une bien charmante femme, ajouta Hervé, s’adressant à sa grand’mère autant qu’à sa cousine. Je n’ai jamais vu personne faire aussi simplement abnégation de soi. Elle vient aujourd’hui parce que Yucca lui a dit, à propos de cette excursion, que, si elle préférait rester, il s’en abstiendrait, ne voulant pas la laisser si souvent seule. Et, poursuivit Hervé, baisant les mains ridées de grand’mère, moi, qui ai un si gros arriéré à