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parages n’est pas plus surprenante que celle de la fontaine ; l’une est la conséquence de l’autre. Cette eau fraîche assurément, mais tempérée en comparaison de la mer où elle se jette, offre à la gent à nageoires un petit bassin où elle peut vivre, et où, par conséquent, elle vit.

— Et cette fontaine même, cette eau vive et gaie au milieu de cette nature aride et figée, comment l’expliques-tu ?

— Je ne sais trop que t’en dire. Mais tu n’ignores pas que le froid extérieur n’est que le voile léger, la mince enveloppe recouvrant l’immense foyer toujours en ignition. Où qu’on soit, même aux pôles, ce foyer n’est jamais bien loin. La source qui étanche notre soif a peut-être bouilli naguère ; et, tout en se refroidissant à travers les terrains qui nous la livrent pure et filtrée, elle est encore trop près de la fournaise pour se laisser gagner à la température ambiante dès son apparition à la surface ; elle attend pour cela d’avoir mêlé son mince filet à l’immense étendue salée. Je t’offre cette explication pour ce qu’elle vaut…

— En d’autres termes, dit Gérard, nous dansons selon toi sur un volcan ? Décidément nous n’avons pas eu le pied heureux en venant percher sur cet îlot !

— En quel autre point du globe peut-on se croire à l’abri d’une éruption volcanique ? Quand on considère quelle est la minceur de la croûte terrestre comparée à la masse formidable de la matière en fusion, on s’étonne de ne pas voir plus de convulsions et de cataclysmes ; si l’on y pensait davantage ce serait à ne pas dormir une nuit tranquille.

— Éloignons donc cc pénible sujet de réflexion, s’écria Gérard. Voici tout notre monde debout. Va rendre compte de notre promenade. Moi je vais essayer d’ajouter un plat à notre déjeuner. »

André Laurie.

(La suite prochainement.)



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