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Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/625

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BOURSES DE VOYAGE

— Dans le canot… il est à l’arrière au bout de son amarre… Il nous conduira au navire qui ne doit pas être éloigné ! »

Louis Clodion n’en demanda pas davantage, et, tandis que Will Mitz sortait de la cabine, il réveilla Tony Renault qui sauta hors de son cadre dès qu’il eut été mis au courant.

En quelques minutes, tous les jeunes passagers lauréats furent sur pied, sauf M. Patterson. Il ne serait prévenu qu’au dernier moment. On l’entraînerait, on l’affalerait dans l’embarcation, sans même lui donner le temps de comprendre.

Il convient de le dire à l’éloge d’Antilian School, pas un de ses pensionnaires ne se montra faible devant le danger. Il ne leur échappa ni une plainte, ni un cri d’effroi, qui auraient compromis cette évasion tentée dans des conditions si difficiles.

Toutefois, Niels Harboe lit cette proposition qui témoignait d’une âme énergique :

« Je ne m’en irai pas sans avoir arraché la vie à ce misérable ! »

Et il se dirigeait vers la cabine d’Harry Markel.

Will Mitz l’arrêta :

« Vous n’en ferez rien, monsieur Harboe… dit-il. Harry Markel pourrait se réveiller au moment où vous entreriez dans sa cabine, puis appeler, puis se défendre, et nous serions bientôt accablés !… Embarquons sans bruit… Une fois à bord du navire, je ne doute pas que son commandant ne veuille s’emparer de l’Alert et des bandits qui en sont les maîtres ! »

C’était le seul parti à prendre.

« Et M. Patterson ?… observa Roger Hinsdale. — Embarquez d’abord, répondit Will Mitz, et, lorsque vous serez installés, nous le ferons descendre. »

Alors Louis Clodion et ses camarades de revêtir quelques vêtements plus chauds. Des vivres, il n’en fut pas question, puisqu’il ne s’agissait que de rejoindre le navire à un demi-mille. Dut même le canot attendre le lever de la brume ou le lever du jour, on l’apercevrait. Et, fussent-ils alors vus de l’équipage de l’Alert, les fugitifs seraient recueillis avant qu’Harry Markel et ses hommes eussent pu se mettre à leur poursuite.

Ce qu’il y avait surtout à craindre, c’était la reprise du vent. En ce cas, le bâtiment eût fait route vers l’ouest, tandis que l’Alert aurait marché vers l’est. Dans ce cas, le jour venu, l’embarcation serait exposée à tous les dangers, sans eau et sans vivres sur cette mer déserte.

Cependant Hubert Perkins recommanda à chacun d’emporter son petit sac aux guinées. Si, à l’aube, l’Alert avait disparu, cette somme de 7 000 livres qui aurait échappé à la bande servirait au rapatriement des fugitifs.

Le moment était arrivé.

Louis Clodion alla se poster contre la cabine et s’assura que rien n’avait troublé le sommeil d’Harry Markel. En même temps, par la porte ouverte de la dunette, il observait le matelot de quart sur le gaillard d’avant.

Will Mitz, se penchant en dehors de l’une des fenêtres du carré, saisit l’amarre et attira le canot sous la voûte d’arrière.

La brume paraissait s’être encore épaissie. À peine distinguait-on l’embarcation. On n’entendait que le petit clapotis léchant le doublage de l’Alert.

Un à un, et sans trop de peine, les jeunes garçons se laissèrent glisser le long de l’amarre que tenait Will Mitz : John Howard et Axel Wickborn les premiers, Hubert Perkins et Niels Harboe les deuxièmes, Magnus Anders et Tony Renault les troisièmes, Albertus Leuwen et Roger Hinsdale les quatrièmes. Il ne restait plus dans le carré que Louis Clodion et Will Mitz.

Will Mitz allait ouvrir la porte de la cabine de M. Patterson, lorsque Louis Clodion l’arrêta.