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La nuit s’acheva sans incident. Dès que l’aube parut, Gérard appela ses camarades, les fit déjeuner ; après quoi on délia les entraves de l’appareil, chacun se mit en place, et l’Epiornis s’éleva dans les airs.

Bientôt « l’île au singe » se dessinait de nouveau sous les yeux des voyageurs comme un gros bouquet de verdure. Pas la plus petite brèche ne se montrait dans le fourré impénétrable ; l’abandonnant sans regret à ses fauves habitants, les voyageurs ne tardèrent pas à la voir s’effacer dans l’immensité bleue.

La journée fut calme et paisible. Aucun cyclone, aucune rencontre de bolide, pas la moindre terre en vue ne vint en varier la monotonie. Vers le coucher du soleil seulement, l’œil de Gérard distingua, bien loin au-dessous d’eux, un grand navire se frayant fièrement un chemin à travers les vagues… Ami ou ennemi ? Impossible de le dire. L’épreuve passée ayant enseigné la prudence, Henri s’empressa d’appuyer sur une des manettes ; l’oiseau géant s’éleva encore de trois cents mètres, et, à cette hauteur, ne parut plus sans doute qu’un point dans l’espace ; le navire s’éloignait en sens inverse, et, la nuit tombant tout à coup, sa forme spectrale disparut dans la brume.

Autour de l’esquif aérien les étoiles s’allumèrent une à une ; des millions de constellations piquèrent le ciel sombre, pareilles à une pluie de diamants ; la lune se leva, brilla et se coucha dans une lueur opaline, tandis que d’un vol égal le fantastique oiseau emportait son chargement humain à travers les plaines inexplorées de l’air.

Quand le jour pointa, Gérard, qui était de veille, eut bientôt fait de discerner à quelques kilomètres au nord une terre embaumée et verdoyante. D’une voix joyeuse, il appela les dormeurs :

« Ceylan !… Ceylan !… »

André Laurie.

(La suite prochainement.)


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