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KSOUR ET OASIS

Cet incendie, eut-il été possible de l’éteindre ? … Peut-être, à la condition d’ouvrir les panneaux pour l’inonder… Il est vrai, c’eût été rendre libres Harry Markel et sa bande… C’eût été permettre la reprise de l’Alert, puis le massacre des passagers… Avant même de chercher à éteindre l’incendie, ils auraient été jetés à la mer.

Cependant, au milieu des cris qui redoublaient, les volutes plus épaisses couraient à la surface du pont dont les coutures goudronnées commençaient à se disjoindre.

En même temps, d’autres détonations retentissaient, plus particulièrement à l’avant, où étaient rangés les barils d’alcool. Les prisonniers devaient être à moitié asphyxiés dans cette cale où l’air pénétrait à peine.

« Will… Will ! » s’écrièrent John Howard, Tony Renault, Albertus Leuwen, en tendant leurs bras vers lui…

Et ne semblaient-ils pas lui demander quelque pitié pour Harry Markel et ses compagnons ? …

Non ! Le salut commun interdirait toute faiblesse, toute humanité !…

D’ailleurs, il n’y avait pas un instant à perdre en présence d’un incendie qu’on ne pouvait éteindre, et qui aurait bientôt dévoré tout entier le navire !… Il fallait abandonner l’Alert, avec son équipage, qui périrait avec lui !

Le second canot et la yole de l’arrière ayant disparu pendant la tempête, il ne restait que le grand canot de tribord.

Will Mitz regarda la mer, moins furieuse alors… Il regarda l’Alert enveloppé déjà d’un rideau de flammes… Il regarda les jeunes garçons épouvantés, et il cria :

« Embarque ! »

Jules Verne.

(La suite prochainement.)

KSOUR ET OASIS[1]

CHEVAUCHÉES D’UN FUTUR SAINT-CYRIEN À TRAVERS LE SUD-ORANAIS

XI

Les Arbaouat. — Aïn Khorima. — Si el hadj ben Ameur. — Kerahda. — La montagne de Sel. — La pierre écrite. — Ksar el Ahmar. — Méchéria. — Géryville.


27 novembre. — Entre El Abiod et les Arbaouat, la route traverse le Djebel bou Noukhtar par le col de Ziarra, — Teniet ez Ziarr, — au nom duquel se rattachent bien des légendes. Il ne pouvait en être différemment, dans ce pays si rempli du souvenir de Sidi Cheikh.

Jaloux de voir qu’à lui seul étaient réservées les faveurs et les attentions de tous, craignant que la faiblesse de leur père, pour lui, n’allât jusqu’à les déshériter en sa faveur, les frères du saint homme conçurent à son encontre une haine si violente qu’ils décidèrent entre eux de le tuer.

Un jour donc qu’il se rendait à l’ermitage de Si bou Tkhill, ils le devancèrent au col des Ziarra et, se cachant dans les rochers, attendirent qu’il passât pour le mettre à mort.

Sitôt qu’il fut près d’eux, ils s’élancèrent le menaçant de leurs poignards levés. Mais lui, sans aucunement s’émouvoir, se laissa glisser en bas de sa jument. Au seul contact de ses pieds, la terre s’ouvrit, le reçut dans son sein, puis se referma sous les yeux mêmes des assassins demeurés stupides.

La jument continua son chemin au galop.

Lorsqu’elle fut arrivée à la sortie du col, la terre se déchira et Sidi Cheikh surgit devant elle si brusquement que, renâclant de terreur, elle fit, de côté, un si violent écart que ses pieds de devant, arc-boutés contre le rocher, s’y marquèrent profondément. Leur double

  1. Voir les nos 180 et suivants.