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« Arriverons-nous bientôt au Pardon, dame Kornic ? demanda la petite bouche délicate qui correspondait à ces délicates boucles blondes. Vont pas vite, les bœufs. C’est pas des bons chevaux.

— N’ayez pas peur, Mam’zelle Manette, ils arriveront tout de même, allez ! Nous serons à Penhoël dans une demi-heure.

Le conducteur de bœufs se retourna, piqua la bête la plus proche de lui et jeta à sa femme une phrase en breton.

La petite qu’on avait appelée Manette entendit ce que disait le mari de Jeanne-Marie. Elle comprenait le breton, car elle s’écria aussitôt :

« Non, je ne veux pas me baigner dans la mer ! Je ne veux pas ! répèta-t-elle en frappant de son petit poing sur la bâche.

— Eh bien, on ne baignera pas la demoiselle dans la mer, là, fit la bonne femme en attrapant le mignon poignet et en y mettant un gros baiser, on fera tout ce que la demoiselle voudra. »

Le fermier grogna encore en breton :

« Où la laisserons-nous pendant la baignade ? Il y aura trop de monde sur la grève.

— Je veux cueillir des fleurs, pour ajouter à mon bouquet de roses, dit la petite.

— Elle restera près de la voiture, sur la falaise. Il n’y a pas de danger. »

Le temps s’éclaircissait un peu. Un soleil de septembre, assez chaud, se faisait jour à travers les nuages et illuminait la plaine bretonne où les clochers pointus, élégants, marquaient la place des villages, sur les petites hauteurs voisines.

C’était en effet jour de fête, non pas à Penhoël même, mais dans un hameau très proche, lieu de pèlerinage célèbre, où l’on venait de beaucoup de lieues à la ronde. Les routes étaient couvertes de voitures, depuis l’aube, et si celle où cheminaient nos voyageurs était déserte, c’est que, l’heure étant avancée et l’office déjà commencé, il n’y avait plus que des retardataires.

Ces sortes de solennités, fréquentes en Bretagne, les pardons, comportaient un cérémonial et des réjouissances qui n’ont guère varié depuis. Les gens arrivent à cette fête en voiture, endimanchés, avec force provisions de bouche afin d’y passer au moins la journée.