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introduction.

L’opinion, que les hippocratiques n’ont pas connu les artères, est tellement enracinée dans les historiens de la médecine, que j’accumule sur ce point les textes et les raisonnements. Rien n’est plus encourageant pour la critique que le concours, vers une seule et même conclusion, de plusieurs faits qui viennent de points très-différents. Le dernier de ces faits est le témoignage d’Euryphon, le célèbre médecin cnidien, l’auteur des Sentences cnidiennes. Cælius Aurélianus a consacré un chapitre à l’étude de l’hémorrhagie. Il y rapporte les opinions des médecins sur la différence de la perte de sang. Thémison ne reconnaissait qu’une seule espèce d’hémorrhagie ; toutes, suivant lui, venaient d’une plaie. Asclépiade les divisait en hémorrhagies par éruption et par putréfaction. Érasistrate admettait comme différences l’éruption, la putréfaction et l’anastomose. Bacchius y ajoutait l’exsudation. Dans ce chapitre, Cælius Aurélianus dit : « Des médecins, Hippocrate, Euryphon, ont attribué l’hémorrhagie à une éruption de sang : Hippocrate par les veines seulement, Euryphon par les veines et les artères[1]. » Hippocrate appelle en effet les hémorrhagies éruptions de sang αἵματος ῥήξιες ; et, dans tous les passages où il en indique l’origine, il ne parle que des veines, par exemple, pour l’hémorrhagie rénale, pour l’hémorrhagie pulmonaire, pour l’hémorrhagie anale. Le témoignage de Cælius Aurélianus prouve qu’Euryphon attribuait l’hémorrhagie aussi bien aux artères qu’aux veines. Cela montre encore qu’Euryphon croyait les artères pleines de sang, et que les hippocratiques les croyaient pleines d’air.

  1. Alii verò eruptiones, ut Hippocrates, Eurypho ; sed Hippocrates, solarum venarum ; Eurypho verò, etiam arteriarum. Morb. chr., lib. II, c. 10.