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de la doctrine médicale d’hippocrate.

dans un dédale de faits particuliers sans connexion, et de languir dans l’éternelle enfance où reste tout ce qui, n’étant pas l’objet d’un travail scientifique et d’une méthode, tombe nécessairement entre les mains des empiriques et ne marche plus qu’au hasard ? La prognose est la première construction scientifique que nous connaissions de la médecine. À ce titre elle mérite notre attention, et elle la mérite encore parce qu’elle n’est point fondée sur des vues rationnelles et hypothétiques, mais parce qu’elle part d’observations et d’expériences réelles. Les faits de mutation des qualités des humeurs durant le cours des maladies, les indications des signes qui annoncent le progrès du mal ou une terminaison favorable, l’étude des évacuations et des mouvements critiques ou non, tout cela constitue un ensemble qui a été un digne objet d’étude et de théorie pour l’école de Cos.

Le sens scientifique des Grecs se manifesta, là comme ailleurs, avec une grande sûreté et une grande supériorité. Le problème à eux posé fut : de concevoir qu’il n’y avait pas seulement des faits de détail, ce qui les sauvait de l’empirisme, et de trouver un système général, ce qui faisait de la médecine une science. Sans entrer dans un examen des caractères propres aux différentes maladies, sans essayer de les réunir dans un cadre et de les classer, sans y songer même, l’école de Cos saisit une idée féconde qui résumait toute chose, et, dans une abstraction qui ne manque ni de portée ni de grandeur, elle donne au médecin une doctrine qui le guide à la fois dans les recherches scientifiques et dans la pratique de l’art. Suivant elle (et c’est l’expérience, non l’hypothèse, qui fournit ces données) le corps humain présente, durant le cours des maladies, une série de phénomènes qui, sans qu’il soit besoin de les