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ÉPIDÉMIES.

les écraser sous le poids de son éloquence et de ses raisonnements, et à épuiser contre eux tous les traits de sa mordante ironie. Nul ne s’est montré plus dévoué et plus éclairé que lui dans son admiration pour le divin vieillard.

L’accusation la plus grave qu’on ait élevée au sujet des Épidémies, c’est qu’Hippocrate n’y fait presque pas mention de remèdes et qu’il s’est contenté d’observer la marche de la nature et de calculer les mouvements critiques. Cette accusation n’est pas tout à fait conforme à la vérité. Hippocrate parle de lavements, de suppositoires, d’afflusions sur la tête, d’embrocations chaudes sur la poitrine, de saignées, enfin de médicaments qu’il ne désigne pas nominativement. Il est vrai que ces moyens sont peu nombreux, et surtout qu’ils sont mentionnés isolément et ne sont désignés que pour un petit nombre de malades. Galien avait bien senti cette difficulté, et il fait à ce propos des réflexions très sensées que je traduis ici ; il ne les fait que pour la saignée, elles conviennent également pour les autres moyens de traitement, ainsi qu’il le dit formellement lui-même en finissant : « Comme Pythion (1er malade du 3e livre) n’est pas le seul malade qui paraisse avoir eu besoin d’une saignée et que l’on ne voit pas qu’elle lui ait été prescrite, il faut supposer deux causes à cette omission : ou que la saignée a été réellement omise, ou qu’Hippocrate s’est abstenu de faire mention de son emploi ; mais il n’est pas vraisemblable qu’il n’ait pas eu recours à la saignée pour les malades qui en réclamaient l’usage, puisqu’il parle de ce moyen dans ses autres ouvrages légitimes, dans les Aphorismes, dans le traité du Régime dans les maladies aiguës, dans celui des Articulations, et qu’il l’a mis en pratique sur un des malades du troisième livre des Épidémies (8e malade, 2e série). Si donc il a eu recours à la saignée au 8e jour, il est bien évident qu’il ne l’a pas négligée les autres jours ; d’un autre côté, il est incroyable qu’il n’en ait pas fait mention pour chacun des malades qui en avait besoin, puisqu’il parle de remèdes bien moins importants et même de suppositoires. Si donc ces deux opinions présentent beaucoup d’étrangeté, il faut prendre celle qui est la moins absurde : en conséquence, je pense qu’il a employé la saignée chez beaucoup de malades, mais qu’il a omis d’en faire mention pour le plus grand nombre, comme d’une chose évidente ; et ce qui me fait pencher vers cette opinion, c’est qu’il parle spécialement d’une saignée faite au 8e jour ; il n’en parle qu’à cause de la rareté du fait[1], et il laisse les autres de côté

  1. Galien fait ici allusion à un principe qui domine toute la thérapeutique d’Hippocrate, savoir que dans les maladies aiguës il faut-agir au début,