Aller au contenu

Page:Hirsch - Un vieux bougre, 1908.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
UN VIEUX BOUGRE

les vaincre toutes par des grâces triomphantes.

M. Gotte ne la tentait plus, ni aucun homme. Elle appartenait à ce vieillard, dans la joie d’en être toujours désirée, de le réchauffer à la chaleur de son printemps, et de le conquérir sur le long passé légendaire qu’il traînait après soi comme une loque héroïque.

Pour elle, il évoquait des heures d’amour, des moments de lutte. Il disait le silence vide qui suit un meurtre, et l’âpre allégresse de se sentir un cœur fougueux de vie quand on vient de tuer. Il assemblait sans recherche des mots d’une sonorité très expressive, ayant vu de terribles drames, des lieux décriés, des agonies. Quelquefois il parlait avec ferveur du parfum des orangers sur les terrasses maltaises, des pierres de Jérusalem, ou des lianes qui encombrent les forêts serrées du Brésil vierge.

Tandis qu’il contait, fascinée par ses yeux volontaires, elle le fixait, et elle adorait la caresse sur son cou maigre, de la main qui avait étouffé, brandi le poignard ou déchargé le pistolet. Elle l’adorait d’avoir été cet audacieux et