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Page:Hirsch - Un vieux bougre, 1908.djvu/20

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UN VIEUX BOUGRE

Il examinait ! la pièce misérable ; la femme en fut très humiliée.

— J’suis-t-en garni… C’est pas bien beau ici… Mais, où qu’on s’aime, chéri, c’est toujours beau quand même, pas vrai ?

— Bien sûr, répondit Michel, et il se détourna pour renouer le coin de son mouchoir où il venait, d’un geste prudent, d’inclure le reliquat de son pécule.

— Qu’est-ce que tu fais donc ?

— Ah ! j’pense au pays… et ça m’fait triste…

Elle lui pardonna ce mensonge naïf, car elle l’avait vu cacher sa monnaie ; et, de nouveau, il célébra son village, les blés mouvants à la brise, la joie de vivre où l’on a crû. Elle lui parla des filles de sa Beauce, afin de l’égayer ; et elle s’appuyait contre lui, de tout son corps nerveux. Alors, Michel oublia qu’elle n’était pas de ces Beauceronnes aux vastes hanches, hâlées par l’air vif et le soleil, qui fleurent le foin et subissent les saisons, de même que des plantes ; — et il aima en elle tout ce qui lui manquait à la caserne, passionnément, avec la foi d’une âme sans détour attendrie par la boisson.