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Page:Hirsch - Un vieux bougre, 1908.djvu/220

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UN VIEUX BOUGRE

représentation du dessein constant de l’aïeul autoritaire. La lune rayonnait sur les champs fauchés que partageait la route lumineuse et plate. Gaspard semblait porter le ciel sur ses épaules larges. Le rire de Mlle Rubis éclata, nerveux et strident, après le bruit des dernières pierres qui roulaient. Michel se dressa, d’un seul coup de reins, et il sentait la puissance de sa jeune vigueur :

— C’te fois, faut qu’je l’ mange ! hurla-t-il. Il bondit, les poings pressés contre sa mâchoire saillante. Il eût bientôt atteint le groupe, à cette allure. Tout à coup, il se sauva à travers les champs.

Il fuyait la tentation sauvage, courant à perdre haleine, affolé d’ivresse, et son ombre oblique l’attirait. L’air froid séchait la moiteur de ses tempes, son haleine lui brûlait les lèvres. À ses yeux, les meules prenaient un aspect fantastique et les faibles lumières des maisons qui, çà et là, à des distances considérables, veillaient la plaine accablée, devenaient des torches flamboyantes. Ayant buté plusieurs fois, il tomba sur les genoux et sur les mains.