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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/117

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resteraient au camp pour le garder fidèlement[1]. Puis Bohémond dit : « Seigneurs et très prudents chevaliers, si vous voulez et s’il vous semble bon, c’est moi qui irai avec le comte de Flandre[2]. »

Après la célébration en grande pompe des fêtes de la Nativité, le lundi, deuxième férié, ils partirent donc avec plus de 20 000 chevaliers et piétons[3] et entrèrent sains et saufs dans la terre des Sarrasins. Il y avait là un rassemblement de Turcs, d’Arabes, de Sarrasins venus de Jérusalem, de Damas, d’Alep et d’autres régions pour donner du courage à la garnison d’Antioche. Apprenant que cette armée chrétienne se dirigeait sur leur terre, ils se préparèrent à combattre les chrétiens. Au petit jour, ils arrivèrent à l’endroit où était rassemblée notre troupe. Les barbares se divisèrent et formèrent deux corps, l’un en avant, l’autre en arrière, avec le désir de nous envelopper de tous côtés. Mais l’illustre comte de Flandre, armé du secours de sa foi et du signe de la croix, qu’il portait fidèlement chaque jour[4], s’élance contre eux en même temps que Bohémond. D’un seul élan, tous les nôtres chargèrent les ennemis, qui prirent aussitôt la fuite et se hâtèrent de tourner le dos en laissant beaucoup de morts. Les nôtres s’emparèrent de leurs chevaux et d’autres dépouilles. Ceux qui purent échapper à la mort s’enfuirent rapidement et se perdirent « dans la colère de la perdition[5] ». Et nous, revenant avec allégresse, nous louâmes et nous exaltâmes Dieu, à la fois triple et un, qui vit et règne maintenant et toujours. Ainsi soit-il !


  1. Hostis (l’ « ost ») a ici le sens du gros de l’armée établie dans le camp.
  2. Godefroi de Bouillon étant malade, ce fut le comte de Toulouse et l’évêque du Puy qui dirigèrent la défense du camp (Raimond d’Aguilers, 5, p. 243).
  3. 15 000 piétons et 2 000 chevaliers d’après Albert d’Aix (III, 50, p. 374), mais, comme, d’après Anselme de Ribemont (lettre citée, Epistulae et chartae, p. 167), il n’y avait plus que 700 chevaux dans toute l’armée, on voit combien ces chiffres sont suspects.
  4. Allusion à la croix portée par tous les croisés. Voir plus haut, p. 37, n. 7.
  5. Rom., 9, 22. Sur cette bataille livrée le 31 décembre 1097, voir Anselme de Ribemont (lettre no 2, dans Epistulae et chartae, p. 58) et Raimond d’Aguilers, 6, p. 244-246.