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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/119

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[SIXIÈME RÉCIT]
[Le siège d’Antioche, de décembre 1097 au 9 février 1098]

[14.] Les Turcs, ennemis de Dieu et de la sainte Chrétienté, qui se trouvaient à la garde d’Antioche, à l’intérieur de la ville, informés que le sire Bohémond et le comte de Flandre ne se trouvaient plus au siège, firent une sortie. Et ils venaient engager avec nous des combats audacieux, attaquant de préférence les endroits où le siège était moins actif. Sachant bien que ces très prudents chevaliers étaient au dehors, ils résolurent un mardi[1] de s’opposer à nous et de nous nuire.

Ces affreux barbares arrivèrent donc la nuit et se jetèrent sur nous avec violence. Ils tuèrent un grand nombre de nos chevaliers et de nos piétons mal protégés[2]. En ce jour funeste, l’évêque du Puy perdit même son sénéchal qui conduisait et commandait sa bannière[3] et, s’il n’y avait eu le fleuve entre nous[4], c’est encore plus souvent qu’ils nous auraient attaqués et auraient causé de grands dommages à notre gent.

Le sage Bohémond sortait alors de la terre des Sarrasins avec son armée et il arriva à la montagne de Tancrède[5], préoccupé d’y trouver quelque chose qui valût la peine d’être emporté, car toute la terre avait été mise à sac : quelques-uns y firent des trouvailles, les autres revinrent

  1. Le mardi 29 décembre 1097.
  2. Raimond d’Aguilers (5, p. 244) donne un récit plus complet de cette sortie des assiégés, dont l’indiscipline des piétons fit un désastre pour l’armée chrétienne.
  3. Raimond d’Aguilers (5, p. 244) dit que le porte-bannière fut tué et que les Turcs, après avoir pris la bannière sur laquelle était figurée la Vierge du Puy, l’arborèrent par dérision sur les remparts.
  4. La bataille a lieu devant la ville, les croisés étant sur la rive droite de l’Oronte. C’est ce qui ressort aussi du récit de Raimond d’Aguilers.
  5. Allusion à un fait postérieur à la rédaction du morceau, car ce n’est que vers le 5 avril 1098 (voir chap. xix) que Tancrède fut chargé de garder un château situé à l’ouest de la ville, sur les dernières pentes du mont Silpius, d’où l’expression : « Tancredi montanam. »