[SEPTIÈME RÉCIT]
[Le siège d’Antioche, du 9 février 1097 au 8 mars 1098]
[18.] Grâce à Dieu, les nôtres revinrent triomphants et se réjouirent du triomphe qu’ils eurent en ce jour. Les ennemis, vaincus, étaient complètement en déroute ; ils continuaient à fuir, errant et vaguant çà et là, les uns en Khorassan, les autres pénétrant dans la terre des Sarrasins[1]. Mais nos chefs, voyant que la garnison de la ville nous harcelait et nous serrait de près, veillant nuit et jour et recherchant de quel côté elle pourrait nous nuire, s’assemblèrent en conseil[2] et dirent : « Avant de perdre notre gent, faisons un château à la Mahomerie[3], qui est devant la porte de la ville où se trouve le pont, et là nous pourrons peut-être resserrer à notre tour nos ennemis. »
Tous y consentirent et déclarèrent le projet excellent. Le comte de Saint-Gilles parla le premier : « Donnez-moi l’aide nécessaire pour établir ce château et je le fortifierai et le garderai. » Bohémond répondit : « Si vous le voulez, ainsi que les autres, j’irai avec vous à Port-Saint-Siméon[4], afin d’en ramener des hommes capables d’achever cet ouvrage[5] ; que ceux qui resteront ici se fortifient de tous les côtés pour se défendre. » Il fut fait ainsi.
- ↑ Sur cette expression, voir p. 71, n. 4. Les Turcs se replièrent sur Alep.
- ↑ Ce conseil de guerre eut lieu le 5 mars (lettre du clergé et du peuple de Lucques, dans les Epistulae et chartae, p. 166).
- ↑ D’après la description plus précise de Raimond d’Aguilers (5, p. 242-243), le pont se trouvait à l’angle occidental de la ville et sur un monticule, en face des croisés, étaient deux mosquées (Machumariae, Bafumariae, « Mahomeries ») et un cimetière musulman. La porte du pont s’appelait « porte de la Mer », comme étant la plus rapprochée de Port-Saint-Siméon.
- ↑ Port-Saint-Siméon (appelé ainsi en l’honneur de saint Siméon le Stylite, dont le monastère, Kalaat-Sem’an, était non loin de là) se trouvait à l’embouchure de l’Oronte, environ à vingt-deux kilomètres d’Antioche.
- ↑ Des navires occidentaux, chargés de pèlerins et de provisions, avaient abordé à Port-Saint-Siméon : treize navires génois vers