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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/149

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maintenant son aide. » Celui-ci, enchanté, déclara qu’il l’aiderait comme il devait le faire. La nuit suivante[1], il envoya à Bohémond son propre fils en otage, afin de lui confirmer qu’il lui livrerait l’entrée de la ville, et lui adressa ce message : « Que demain toute l’armée franque soit convoquée par lui, comme s’il s’agissait d’aller dévaster la terre des Sarrasins, qu’il dissimule et revienne rapidement par la montagne à droite[2]. Et moi, observant ces troupes avec attention, je les attendrai et les recevrai dans les tours que j’ai en mon pouvoir et sous ma garde. »

Aussitôt, Bohémond fit venir un de ses sergents[3], appelé Male Couronne, et lui prescrivit, comme à un héraut, de convoquer la grande armée des Francs, afin qu’elle se préparât fidèlement à pénétrer dans la terre des Sarrasins : ainsi fut fait. Bohémond confia ce dessein au duc Godefroi, au comte de Flandre et aussi au comte de Saint-Gilles et à l’évêque du Puy[4] en disant : « Si la grâce de Dieu nous favorise, c’est cette nuit que nous sera livrée Antioche[5]. »

Tout fut donc disposé ainsi : les chevaliers tinrent la plaine, les piétons la montagne ; toute la nuit ils marchèrent et chevauchèrent jusqu’à l’aurore[6], puis ils s’approchèrent des tours, dont le gardien avait veillé toute la nuit. Aussitôt, Bohémond mit pied à terre et donna ses instructions à tous par ces mots : « Allez en toute sécurité et en bon accord ; montez par l’échelle jusqu’à Antioche, que nous aurons

  1. La dernière nuit qui précède la reddition d’Antioche, nuit du 2 au 3 juin.
  2. La terre des Sarrasins était située à l’est et au sud ; la montagne à droite (par rapport au camp des croisés) était, au contraire, à l’ouest, où se trouvaient les tours de Firouz.
  3. Sur les « sergents », voir p. 99, n. 3.
  4. D’après Raoul de Caen (64, p. 653), ce fut l’évêque du Puy qui fut averti le premier des projets de Bohémond et ce fut seulement ensuite que les princes furent convoqués.
  5. Dans la nuit du 2 au 3 juin.
  6. Au méridien d’Antioche, le 3 juin, le soleil se lève à quatre heures et demie ; ce fut donc vers quatre heures que commença l’escalade.