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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/179

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Au moment où nous nous trouvions dans la situation décrite plus haut[1], saint André revint et lui dit : « Pourquoi n’as-tu pas enlevé la lance de la terre, comme je te l’ai recommandé ? Sache que quiconque portera cette lance dans la bataille ne sera jamais vaincu. »

Aussitôt Pierre révéla le mystère de l’apôtre à nos hommes[2]. Le peuple n’y croyait pas, mais le repoussait en disant : « Comment croire cela ? » Ils étaient en effet dans l’épouvante et s’attendaient à une mort immédiate. Pierre vint donc et jura que tout était absolument vrai, que saint André lui était apparu deux fois[3] et lui avait dit : « Lève-toi, va et dis au peuple de Dieu de ne rien craindre, mais de croire fermement de tout son cœur en un seul vrai Dieu, et partout il sera vainqueur ; dans les cinq jours, le Seigneur lui enverra un message qui le comblera de joie et d’allégresse et, s’il veut combattre, dès qu’il sortira d’un cœur unanime pour la bataille, tous ses ennemis seront vaincus et nul ne se lèvera plus contre lui. » À la nouvelle que leurs ennemis allaient être entièrement vaincus par eux, tous commencèrent à respirer et ils se réconfortaient les uns les autres en disant : « Réveillez-vous et soyez en tout lieu braves et prudents, car bientôt Dieu nous viendra en aide et il y aura un grand réconfort pour son peuple, qu’il voit maintenant dans l’affliction. »

[26.] Les Turcs qui se trouvaient en haut dans la citadelle nous serraient de si près de toute part qu’un jour ils réussirent à bloquer trois de nos chevaliers dans une tour située devant leur citadelle. Les païens, en effet, avaient fait une sortie et les avaient chargés avec une telle violence qu’ils n’avaient pu supporter leur choc. Deux chevaliers blessés sortirent de la tour. Le troisième se défendait bravement de

  1. C’est-à-dire au moment où Kerbôga tenait les croisés étroitement assiégés (10 juin).
  2. Avant de révéler sa vision aux princes, Pierre en parla à ses compagnons. Ce détail est particulier à notre texte. Raimond d’Aguilers donne la date du 11 juin comme celle de la révélation aux princes : la vision aurait eu lieu la nuit précédente.
  3. Cinq fois d’après Raimond d’Aguilers. Voir p. 133, n. 4.