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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/193

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donnèrent ces instructions : « Allez trouver l’armée maudite des Turcs et racontez-leur exactement tout ceci ; demandez-leur pourquoi, dans leur audace et leur orgueil, ils sont entrés dans la terre des chrétiens, qui est aussi la nôtre. »

À ces mots[1], les envoyés se retirèrent et se rendirent dans l’assemblée impie. Là, ils transmirent à Courbaram et aux autres leur message en ces termes : « Nos chefs et nos seigneurs sont extrêmement étonnés que vous ayez pénétré, pleins de témérité et d’orgueil, dans la terre des chrétiens, qui est aussi la leur. Peut-être pensons-nous et croyons-nous que vous êtes venus ici avec le dessein d’embrasser le christianisme, ou bien le motif de votre venue est-il de maltraiter les chrétiens de toutes les manières ? Tous nos chefs vous demandent unanimement de vous retirer de la terre de Dieu et des chrétiens que le bienheureux apôtre Pierre a convertie autrefois par sa prédication à la doctrine du Christ. Cependant, ils vous permettent encore d’emmener tout ce qui est à vous, chevaux, mulets, ânes, chameaux, brebis, bœufs, tout votre matériel et de le transporter où vous voudrez. »

Alors, Courbaram, chef de la garde du Soudan de Perse[2], et tous les autres, remplis d’orgueil, répondirent fièrement : « Votre Dieu, votre chrétienté, nous ne nous en soucions pas, nous ne les voulons pas et nous les repoussons complètement en même temps que vous. Nous sommes venus jusqu’ici parce que nous sommes très étonnés que les seigneurs et les chefs que vous mentionnez appellent leur une terre que nous avons enlevée à des nations efféminées.

  1. Le récit de l’Anonyme laisse croire que l’ambassade a suivi immédiatement le conseil de guerre et la découverte de la sainte Lance. Toutes les autres sources montrent, au contraire, que cette ambassade eut lieu la veille de la bataille, après les jeûnes et les processions (2e lettre d’Anselme de Ribemont, dans les Epistulae et chartae, p. 160 ; Raimond d’Aguilers, 11, p. 259 ; Foucher de Chartres, I, 21, p. 347 ; Albert d’Aix, IV, 44-46, p. 420-421). Il y a donc ici une erreur manifeste dans les souvenirs de l’Anonyme.
  2. Sur ces expressions, voir p. 110-111, n. 1-2.