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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/197

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sième Robert de Normandie avec ses chevaliers ; le quatrième était commandé par l’évêque du Puy, qui portait avec lui la lance du Sauveur[1] ; il avait avec lui sa gent et la bande de Raimond, comte de Saint-Gilles, qui demeura en haut à la garde du château, par crainte des Turcs, pour les empêcher de descendre dans la ville[2] ; le cinquième corps comprenait Tancrède, fils du marquis, avec sa gent ; le sixième le prud’homme Bohémond et sa chevalerie. Nos évêques, prêtres, clercs et moines, revêtus des ornements sacrés, sortirent avec nous en portant des croix, priant et suppliant le Seigneur de nous sauver et de nous garder de tout mal. D’autres, montés au haut de la porte, la croix sainte dans leurs mains, faisaient sur nous le signe de la croix et nous bénissaient[3]. Disposés ainsi et protégés du signe de la croix, nous sortîmes par la porte située devant la Mahomerie[4].

Lorsque Courbaram vit les corps de bataille des Francs si bien ordonnés sortir l’un après l’autre, il dit : « Laissez-les sortir, nous ne les aurons que mieux en notre pouvoir[5]. » Mais, lorsqu’ils eurent franchi les portes et que Courbaram vit l’immense armée des Francs, il fut saisi de crainte[6]. Sur-le-champ, il manda à son amiral chargé de la surveillance générale[7] que, s’il voyait un feu allumé sur le front de l’ar-

  1. En fait, la sainte Lance était portée par le chroniqueur Raimond d’Aguilers, chapelain du comte de Toulouse (Raimond d’Aguilers, 12, p. 261 : « J’ai vu moi-même ce que je raconte et j’y portais la lance du Seigneur »). Robert le Moine (VII, 17, p. 834) nous montre Adémar de Monteil portant le heaume et le haubert comme l’évêque Eude sur la tapisserie de Bayeux.
  2. L’évêque du Puy commandait sa propre bande et celle du comte de Toulouse, malade depuis quelques jours, et qui se chargea de tenir en respect la garnison turque de la citadelle (Raimond d’Aguilers, 12, p. 259) avec deux cents hommes.
  3. Détail confirmé par Raimond d’Aguilers, 12, p. 260.
  4. La porte de la Mahomerie, au nord-ouest de la ville (cf. p. 89, n. 2).
  5. « Nous étions si peu nombreux », lit-on dans la lettre des princes à Urbain II, « qu’ils affirmaient que nous ne combattrions pas et que nous nous enfuirions » (Epistulae et chartae, p. 163).
  6. Détail des plus suspects. D’après le chroniqueur arabe Ibn-el-Athir, fils d’un gouverneur de Mossoul du début du xiiie siècle, mais bien renseigné, la situation de Kerbôga était affaiblie par le mécontentement des émirs turcs, qui l’abandonnèrent en pleine bataille (Recueil des historiens des croisades ; historiens orientaux, t. I).
  7. Il avait le rôle d’un grand prévôt et avait le commandement du camp turc, comme on peut le voir un peu plus loin.