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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/201

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Les Turcs placés du côté de la mer, voyant qu’ils ne pouvaient tenir plus longtemps, allumèrent un feu d’herbes, afin que ceux qui étaient restés dans les tentes le vissent et prissent la fuite[1]. Ceux-ci, de leur côté, reconnaissant le signal, s’emparèrent de tous les objets de valeur et s’enfuirent. Les nôtres s’avançaient peu à peu en combattant vers le gros de leur armée, c’est-à-dire vers leur camp. Le duc Godefroi, le comte de Flandre, Hugue le Mainsné chevauchaient le long du fleuve où se trouvait le gros de leur armée[2]. Munis d’abord du signe de la croix, ils dirigèrent contre eux une attaque d’ensemble ; à cette vue, les autres batailles les chargèrent de même. Les Turcs et les Perses poussaient des cris et nous, invoquant le Dieu vivant et véritable, nous chargeâmes contre eux et, au nom de Jésus-Christ et du Saint-Sépulcre, nous engageâmes le combat et, avec l’aide de Dieu, nous les vainquîmes.

Les Turcs, épouvantés, prirent la fuite et les nôtres les poursuivirent jusqu’à leurs tentes. Mais les chevaliers du Christ aimaient mieux les poursuivre que de faire du butin et ils les poursuivirent jusqu’au pont du Far, puis jusqu’au château de Tancrède[3]. L’ennemi abandonna ses pavillons, de l’or, de l’argent, un mobilier abondant, des brebis, des bœufs, des chevaux, des mulets, des chameaux, des ânes, du blé, du vin, de la farine et beaucoup d’autres choses qui nous étaient nécessaires. Les Arméniens et les Syriens qui habitaient dans cette région, instruits de notre victoire

  1. Cf. Raimond d’Aguilers, 12, p. 260.
  2. Le long de l’Oronte, en amont et à l’est d’Antioche, où se trouvait le gros de l’armée turque. Plus loin, on voit que les Turcs s’enfuient dans la direction du pont du Far.
  3. Hagenmeyer (édition des Gesta, p. 378, n. 42) voit dans ce château de Tancrède le château de Harenc, situé à l’est. Cependant, l’expression deinde, « ensuite », indique deux poursuites distinctes. L’armée turque paraît avoir été coupée en plusieurs tronçons, dont l’un s’enfuit à l’ouest, vers le château dont Tancrède avait reçu la garde (cf. p. 97, n. 4).