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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/203

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les Turcs, coururent vers la montagne pour leur barrer la route et tuèrent tous ceux qu’ils purent prendre.

Nous regagnâmes la ville avec une grande joie, louant et bénissant Dieu qui donna la victoire à son peuple. L’amiral qui avait la garde du château[1], voyant Courbaram et tous les autres s’enfuir du champ de bataille devant l’armée des Francs, fut saisi de crainte ; immédiatement, en grande hâte, il demandait des bannières franques[2]. Le comte de Saint-Gilles, posté là devant le château, ordonna de lui porter sa bannière ; il la reçut et l’arbora aussitôt sur la tour, mais les Longobards[3] qui se trouvaient là dirent : « Cette bannière n’est pas celle de Bohémond. » — « À qui appartient-elle, interrogea-t-il ? » — « Au comte de Saint-Gilles, répondirent-ils. » Alors il s’approcha et, prenant la bannière, il la rendit au comte. À ce moment survint le vénérable Bohémond et il lui donna sa bannière[4]. Le Turc la reçut avec joie et conclut un traité avec le seigneur Bohémond, d’après lequel les païens qui voudraient recevoir le christianisme resteraient avec lui, tandis qu’il permettrait à ceux qui le voudraient de se retirer sains et saufs et sans aucun dommage. Il consentit à toutes les demandes de l’amiral et plaça aussitôt ses sergents dans la citadelle. Quelques jours après, l’amiral fut baptisé avec tous ceux qui préférèrent reconnaître le Christ. Quant à ceux qui voulurent garder leurs lois, le sire Bohémond les fit conduire dans la terre des Sarrasins[5].

Cette bataille fut livrée le quatrième jour avant les calendes

  1. L’émir qui avait reçu de Courbaram le commandement de la citadelle d’Antioche. Voir p. 112-113.
  2. Comme sauvegarde.
  3. C’est-à-dire les soldats de Bohémond. Sur la signification du mot, voir p. 6, n. 2. Ces détails, qui ne se trouvent que dans l’Anonyme et ses remanieurs, attestent la rivalité latente entre les deux chefs. Les autres textes se contentent de mentionner la reddition de la citadelle.
  4. Sur la bannière de Bohémond, voir p. 85 et 109.
  5. Ce détail montre bien l’esprit politique de Bohémond, véritable précurseur des rois normands des Deux-Siciles.