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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/233

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trouvèrent hors de la ville des Turcs, Arabes et Sarrasins. Les nôtres les attaquèrent, les mirent en fuite et tuèrent une grande partie des nobles[1] de la ville. Le massacre des païens et l’effusion de sang furent tels que l’eau qui coulait dans la ville et alimentait les citernes semblait rouge, ce qui les remplit de douleur et de chagrin. Ils étaient épouvantés au point que nul d’entre eux n’osait franchir les portes de la ville.

Un autre jour, les nôtres chevauchèrent au delà de Sem[2] et trouvèrent des bœufs, des brebis, des ânes et beaucoup de bestiaux, ainsi que des chameaux ; ils en raflèrent près de trois mille. Nous assiégeâmes la place mentionnée[3] pendant trois mois et un jour, et nous y célébrâmes la Pâque du Seigneur quatre jours avant les ides d’avril[4]. Nos navires vinrent à proximité de nous dans un port pendant tout le temps que dura ce siège[5] et ils nous apportèrent un abondant ravitaillement en blé, vin, viande, fromage, orge et huile, ce qui procura une grande abondance au cours de l’expédition. Pendant ce siège, plusieurs des nôtres reçurent un heureux martyre, entre autres Anselme de Ribemont[6], Guillaume le Picard et plusieurs autres, que j’ignore.

Le roi de Tripoli envoyait souvent des messagers aux seigneurs pour les engager à abandonner cette place et à s’accorder avec lui. En étant informés et voyant les nouvelles récoltes s’annoncer (car, au milieu de mars, nous mangions

  1. « Nobles » doit être pris dans le sens général de « notables ».
  2. Il s’agit ici d’une razzia dans la plaine d’El Boukeia, afin de ravitailler l’armée.
  3. La place d’Archas. Le siège dura du 14 février au 13 mai 1099.
  4. Le 10 avril.
  5. Probablement à Tortose. Il s’agit de la flotte génoise qui a croisé sur les côtes de Syrie pendant toute l’expédition. On se souvient qu’elle avait abordé à Port-Saint-Siméon. Voir p. 89 et 129.
  6. Seigneur de Ribemont, dans la vallée de l’Oise, non loin de Saint-Quentin (Aisne), auteur des deux lettres à Manassès, archevêque de Reims, que nous avons citées plusieurs fois (entre autres, p. 35, n. 9 ; p. 67, n. 1 ; p. 96, n. 1, etc.). Sur cette mort, voir Raimond d’Aguilers, 16, 270-377 ; Foucher de Chartres, I, 25, p. 353 ; Albert d’Aix, V, 31, p. 432 ; Raoul de Caen, 106, p. 680-681.