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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/61

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quartiers, le duc envoyait chaque jour ses guerriers en toute sécurité, afin qu’ils apportassent de la paille et tout ce qui était nécessaire aux chevaux. Et ils croyaient qu’ils pourraient aller en toute confiance où ils voudraient, mais l’inique empereur Alexis ordonna aux Turcoples et aux Petchénègues[1] de les attaquer et de les tuer[2]. À cette nouvelle, Baudouin, le frère du duc, se mit en embuscade, les surprit en train de massacrer son peuple, les attaqua courageusement et, avec l’aide de Dieu, en vint à bout. Il en captura soixante, en tua une partie et présenta le reste au duc, son frère[3].

L’empereur, instruit de ces faits, manifesta une grande irritation. Le duc, voyant l’empereur irrité, sortit du faubourg avec les siens et prit ses quartiers hors de la ville[4]. Le soir venu, le misérable empereur ordonna à ses troupes d’attaquer le duc et le peuple chrétien. Le duc les poursuivit victorieusement à la tête des soldats du Christ ; il en tua sept et poursuivit les autres jusqu’à la porte de la cité[5]. Revenu dans son camp, il y resta cinq jours[6], puis conclut

  1. Corps de mercenaires au service de l’empire, qui recrute des soldats dans les tribus turques depuis le ixe siècle et des Turcs seldjoucides depuis la bataille de Mantzikert (1071). Sur leur rôle dans les guerres civiles de la fin du xie siècle, voir J. Laurent, Byzance et les Turcs seldjoucides, p. 91. On les désigne dès lors sous le nom de Τουρκόπουλοι, fils de Turcs. Les Petchénègues, Πατζινάκοι, établis depuis le ixe siècle entre le Danube et le Don, également de race turque, fournissaient des corps de mercenaires à l’empire depuis le milieu du xie siècle (voir Chalandon, Alexis Ier Comnène, p. 2-5).
  2. L’Anonyme ne mentionne pas la cause du conflit, le refus de Godefroi d’avoir une entrevue avec l’empereur. Les détails donnés par Albert d’Aix (II, 11, p. 306-307) éclairent ce passage.
  3. D’après Albert d’Aix (loc. cit.), Baudouin, avec 500 chevaliers, alla s’emparer du pont situé au fond de la Corne-d’Or.
  4. Quittant le faubourg de Galata, l’armée de Godefroi va se placer sous les murs de Constantinople (13 janvier 1097).
  5. Le petit nombre des tués indique une simple escarmouche. Albert d’Aix (loc. cit.) en fait une bataille violente qui eut lieu en face de la porte des Blachernes. Anne Comnène (X, 9, p. 87-90) prétend que les croisés furent repoussés.
  6. Du 13 au 18 janvier 1097. Détails plus complets d’Albert d’Aix, II, 14, p. 309, qui donne la date du 13 janvier 1097. Celle du jeudi saint, 2 avril, donnée par Anne Comnène est fausse, puisque, d’après Albert, c’est au début du carême que l’armée de Godefroi est passée en Asie (Hagenmeyer, Chronologie de la première croisade, no 110).