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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/77

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sécurité et jura même « qu’il nous accompagnerait avec son armée par terre et par mer, qu’il assurerait avec fidélité notre ravitaillement sur terre et sur mer, qu’il réparerait exactement toutes nos pertes et qu’en outre il ne voulait ni ne permettait que nul de nos pèlerins fût molesté ou contrarié sur la route du saint Sépulcre[1] ».

D’autre part, le comte de Saint-Gilles avait son quartier hors de la cité, dans un faubourg[2], et son armée était restée en arrière[3]. L’empereur manda au comte qu’il lui fît hommage et fidélité, comme avaient fait les autres[4]. Mais, au moment où l’empereur envoyait ce message, le comte réfléchissait à la vengeance qu’il pourrait tirer de l’armée impériale[5]. Le duc Godefroi, Robert, comte de Flandre[6], et les autres princes lui représentèrent qu’il serait injuste de combattre contre des chrétiens. Le sage Bohémond ajouta que, s’il commettait quelque injustice envers l’empereur et s’opposait à ce qu’on lui promît fidélité, lui-même prendrait le parti de l’empereur[7]. Aussi le comte, après avoir pris conseil des siens, jura de respecter la vie et l’honneur d’Alexis et de ne consentir jamais à ce que, soit de son fait, soit par l’un des siens, il y fût porté atteinte ; mais, quand il fut cité pour l’hommage[8], il répondit qu’il n’en ferait rien, même si sa tête était en péril[9]. Ce fut à ce moment que l’armée de Bohémond approcha de Constantinople[10].

[7.] Pour esquiver le serment impérial, Tancrède et

  1. Le texte du serment de l’empereur n’est donné que par notre auteur.
  2. Sur l’emploi de ces termes, voir plus haut, p. 15, n. 12.
  3. Raimond d’Aguilers, 2, p. 237.
  4. D’après Raimond d’Aguilers (2, p. 238), le comte avait eu déjà avec l’empereur une entrevue et une discussion animée.
  5. En représailles du sac de Rousa, les troupes impériales avaient attaqué les Provençaux à Rodosto. Voir, dans Raimond d’Aguilers (loc. cit.), le récit plus complet du conflit et de l’arbitrage auquel l’empereur se soumit.
  6. On ignore la date de l’arrivée du comte de Flandre à Constantinople.
  7. Détails confirmés par Raimond d’Aguilers (loc. cit.).
  8. Expression juridique pour désigner la cérémonie de l’hommage féodal auquel tous les princes, sauf Raimond et Tancrède, avaient accepté de se soumettre.
  9. Même récit et mêmes expressions dans Raimond d’Aguilers (loc. cit.).
  10. Le 26 avril 1097 (Albert d’Aix, II, 16, p. 312).