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Page:Histoire d’une âme (édition de 1912).pdf/69

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Histoire d’une âme. — Chapitre premier.

Je me souviens aussi de l’affection bien grande que j’avais dès ce temps-là pour ma sœur aînée, Marie, qui venait de terminer ses études à la Visitation. Sans en avoir l’air, je faisais attention à tout ce qui se passait et se disait autour de moi ; il me semble que je jugeais les choses comme maintenant. J’écoutais attentivement ce qu’elle apprenait à Céline ; pour obtenir la faveur d’être admise dans sa chambre pendant les leçons, j’étais bien sage et je lui obéissais en tout ; aussi me comblait-elle de cadeaux qui, malgré leur peu de valeur, me faisaient un extrême plaisir.

Je puis dire que mes deux grandes sœurs me rendaient bien fière ! Mais, comme Pauline me paraissait si loin, je ne rêvais qu’elle du matin au soir. Lorsque je commençais seulement à parler, et que maman me demandait : « À quoi penses-tu ? » la réponse était invariable : « À Pauline ! » Quelquefois j’entendais dire que Pauline serait religieuse ; alors, sans trop savoir ce que c’était, je pensais : « Moi aussi, je serai religieuse ! » C’est là un de mes premiers souvenirs ; et depuis je n’ai jamais changé de résolution. Ce fut donc l’exemple de cette sœur chérie qui, dès l’âge de deux ans, m’entraîna vers l’Époux des vierges.

Ô ma Mère, que de douces réflexions je voudrais vous confier ici, sur mes rapports avec Pauline ! mais ce serait trop long.

Ma chère petite Léonie tenait aussi une bien grande place dans mon cœur ; elle m’aimait beaucoup. Le soir, en revenant de ses leçons, elle voulait me garder quand toute la famille était en promenade ; il me semble entendre encore les gentils refrains qu’elle chantait de sa douce voix pour m’endormir. Je me souviens parfaitement de sa première communion. Je me rappelle aussi la petite fille pauvre, sa compagne, que ma mère avait habillée, suivant l’usage touchant des familles aisées d’Alençon. Cette enfant ne quitta pas Léonie un seul