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Page:Histoire d’une âme (édition de 1912).pdf/71

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Histoire d’une âme. — Chapitre premier.

Une autre fois, nous devions aller à la campagne chez des amis. Maman dit à Marie de me mettre ma plus jolie toilette, mais de ne pas me laisser les bras nus. Je ne soufflai mot, et montrai même l’indifférence que doivent avoir les enfants de cet âge ; mais intérieurement je me disais : « Pourtant, comme j’aurais été bien plus gentille avec mes petits bras nus ! »

Avec une semblable nature, je me rends parfaitement compte que, si j’avais été élevée par des parents sans vertu, je serais devenue très méchante, et peut-être même aurais-je couru à ma perte éternelle. Mais Jésus veillait sur sa petite fiancée ; il fit tourner à son avantage tous ses défauts, qui, réprimés de bonne heure, lui servirent à grandir dans la perfection. En effet, comme j’avais de l’amour-propre et aussi l’amour du bien, il suffisait que l’on me dît une seule fois : « Il ne faut pas faire telle chose », pour que je n’eusse plus envie de recommencer. Je vois avec plaisir dans les lettres de ma chère maman, qu’en avançant en âge je lui donnais plus de consolation ; n’ayant sous les yeux que de bons exemples, je voulais naturellement les suivre. Voici ce qu’elle écrivait en 1876 :

Jusqu’à Thérèse qui veut se mêler de faire des sacrifices. Marie a donné à ses petites sœurs un chapelet fait exprès pour compter leurs pratiques de vertu ; elles font ensemble de véritables conférences spirituelles très amusantes. Céline disait l’autre jour : « Comment cela se fait-il que le bon Dieu soit dans une si petite hostie ? » Thérèse lui a répondu : « Ce n’est pas si étonnant, puisque le bon Dieu est tout-puissant ! » — « Et qu’est-ce que ça veut dire tout-puissant ? » — « Ça veut dire qu’il fait tout ce qu’il veut ! »
Mais le plus curieux encore, c’est de voir Thérèse mettre la main cent fois par jour dans sa petite poche pour tirer une perle à son chapelet toutes les fois qu’elle fait un sacrifice.
Ces deux enfants sont inséparables et se suffisent pour se récréer. La nourrice a donné à Thérèse un coq et une poule de la petite