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N’étant point entretenues s’écroulèrent, la voûte de l’église s’effondra, couvrant à la fois les fourneaux éteints et les tombeaux profanés ; l’on ne vit plus, dès lors, que des débris de monuments et de sculptures gothiques, des fragments d’antiques vitraux entassés pêle-mêle sur le sol, cachés sous les ronces et les arbustes sauvages et près d’être ensevelis sous d’autres ruines. Les restes de la chapelle de Romont servaient de cellier, et la chapelle de Saint-André était transformée en une forge.

Cependant, au milieu de cette dévastation, Hautecombe n’avait pas perdu toute sa beauté. Sans dire, avec l’auteur de Raphaël, qu’il y avait plus de charmes, « plus de saintes psalmodies des vents, des eaux, des oiseaux, des échos sonores du lac et des forêts sous les piliers croulants, dans les nefs démantelées et sous les voûtes déchirées de la vieille église vide de l’abbaye, qu’il n’y en avait autrefois dans les lueurs de cierges, les vapeurs d’encens, les chants monotones et les cérémonies qui les remplissaient jour et nuit, » cette solitude, par sa position unique, par la merveilleuse fontaine intermittente qui l’avoisine, avait conservé sa célébrité. Les hommes de goût et les artistes allaient toujours la visiter pendant les jours brillants de l’été.

Mais rien n’égalait sa mélancolique grandeur pendant l’arrière-saison ; l’on n’aperçoit alors que des nuages reposant sur les flots, se confondant avec la couleur sombre du ciel et laissant voir un horizon indéfini. Hautecombe, dans cette saison de l’année, était totalement abandonnée ; seulement, on y voyait quelquefois errer autour des décombres quelques Savoisiens fidèles, qui pleuraient sur leurs rois et leur patrie. Ils venaient apporter le tribut de leur profonde douleur aux cendres révérées que recelaient les