Page:Histoire du donjon de Loches par M. Edmond Gautier.djvu/57

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au su de tout le monde. Mais les maîtres de la maison sont les derniers à savoir le mal qui s’y passe. Je crains, seigneur, de vous ennuyer avec mon bavardage et mes histoires de paysan. Encore un mot, et j’ai fini. Lorsque, comme souvent, il arrive ici quelque bruit de guerre, vrai ou inventé par eux, ils viennent à grand fracas, envoient des agents pour augmenter l’alarme, et font publier par le crieur que tout habitant des campagnes ait à se retirer dans les châteaux pour y faire la garde. Alors, ils envoient des gens qui sous main voient l’un, voient l’autre, et sous forme de bon conseil, tout en les plaignant, les engagent à racheter par des présents l’obligation du service. Celui qui le fait obtient la permission de retourner chez lui ; sinon, accablés de dépenses, criblés de dettes, les malheureux sont forcés de rester au château… »

Ils arrivèrent à la porte de la ville.

La cour du comte était plongée dans l’inquiétude. Les chevaliers couraient de tous côtés, demandant des nouvelles qui ne venaient point, les yeux fixés sur la route par laquelle il rentrait ordinairement de la forêt. À son arrivée les cris de joie éclatèrent et les torches s’allumèrent dans la nuit. Le paysan reconnut alors son compagnon, et voulut sauter à terre, mais le comte le retint : « Non, dit-il ; je ne veux pas jeter à terre l’homme auquel je dois d’être revenu parmi les miens. » Bon gré mal gré, le bonhomme fit son entrée au château sur le cheval du comte, au milieu de la foule empressée.

On se met à table. Le charbonnier, couvert de riches habits, se voit servir les mets les plus délicats, il boit dans une coupe d’or, il est le héros et le sujet de toutes les conversations. Enfin on lui prépare un lit, meilleur sans, doute « et plus propre » que celui qu’il avait dans la forêt.

Le lendemain le comte, revenant de la messe, demanda