Page:Histoire du donjon de Loches par M. Edmond Gautier.djvu/58

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son guide, et le faisant asseoir au milieu de ses preux : « Il n’est pas juste que celui qui a laissé son travail pour me reconduire au milieu de vous ne reçoive pas sa récompense. Voyez donc, dit-il en s’adressant au prévôt, s’il reste encore quelque chose dans mon trésor.

— Seigneur, répondit le prévôt, j’ai encore mille sous.

— Allez, et donnez-en cinq cents à-ce brave homme. Quant à toi, mon ami, je t’exempte désormais de tout impôt et de toute servitude. De ce jour toi et les tiens vous êtes affranchis, ou plutôt vous êtes libres. Retourne chez toi et vis heureux maintenant. »

Le comte n’avait pas oublié ce que lui avait dit le charbonnier. Il fit crier partout que tous ceux auxquels il était dû quelque chose en son nom eussent à comparaître devant lui. Les créanciers arrivèrent en foule. Leur nombre produisit sur l’esprit du comte une impression profonde. « Ah ! dit-il à ses officiers tremblants, les bons gardiens de ma terre que j’avais là ! Malheur à moi, que vous avez nourri du sang des pauvres ! Vous saviez que tous mes efforts tendaient à maintenir la paix, et je vous avais confié mon héritage pour le gérer dans la paix, et voilà qu’au lieu de la paix vous avez semé la crainte, au lieu des lois vous avez fait régner l’injustice ! Et moi, vous m’avez rendu odieux aux pauvres de mon peuple ! Si vous voulez échapper à la mort que vous méritez, allez et rendez à ces gens, sans qu’il y manque rien, ce que vous leur devez pour mes dépenses. Après cela vous reviendrez ici pour entendre votre jugement. »

Lorsque toutes les restitutions furent faites, les serviteurs revinrent se jeter aux pieds du comte, en confessant leur crime et implorant sa clémence. Pour achever le châtiment il leur fit rendre tout ce qu’ils avaient touché de ses revenus, et le distribua aux pauvres. Et il ordonna que doré-