Page:Histoire et vie de l’Arrétin, 1774.djvu/53

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quartier fort éloigné du notre. Parmi tous mes raviſſeurs, je vis ce maudit Avocat, & je lui aurois arraché les yeux ſi j’avois pû, il m’abandonna à la diſcretion de ving-cinq gros pendards qui me paſſerent tous ſur le ventre ſans aucune compaſſion : jamais je ne fus ſi fatiguée. Après qu’il s’en furent allés, il entra dans la chambre l’ami de l’Avocat, qui s’appelloit M. Spinola. Dès qu’il me vit, il parut aſſez ſatisfait de ma beauté. Je pleurai devant lui à groſſes larmes, & je me plaignis du cruel traitement qu’on m’avoit fait. Il s’approcha pour me conſoler, & me dit pour cela cent choſes agréables. Il avoit bonne mine & tout ce que je voyois en lui ſentoit ſon homme de qualité. Il me demanda ce que j’avois tant fait à l’Avocat pour m’être attirée ſon indignation juſques à ce point. Je lui dis toute l’hiſtoire, & je lui fis voir tant de déſagremens dans le commerce, & dans la perſonne de cet homme, qu’il trouva mon dégoût bien fondé & fort raiſonnable. Son cœur s’intéreſſoit à tout & rien ne me convainquit