de l’ignorance, on écarteroit les erreurs de la ſuperſtition juſqu’à l’âge où la fougue des paſſions naturelles, heureuſement combinée avec les forces de la raiſon y chaſſe tous les fantômes. Mais quand on établit un peuple, déjà vieux, dans un pays nouveau, l’habileté de la légiſlation conſiſte à ne lui laiſſer que les opinions & les habitudes nuiſibles, dont on ne peut le guérir & le corriger. Veut-on empêcher qu’elles ne ſe tranſmettent ? Que l’on veille à la ſeconde génération, par une éducation commune & publique des enfans. Un prince, un légiſlateur, ne devroit jamais fonder une colonie, ſans y envoyer d’avance des hommes ſages pour l’inſtitution de la jeuneſſe ; c’eſt-à-dire, des gardiens plutôt que des précepteurs : car il s’agit moins d’enſeigner le bien, que de garantir du mal. La bonne éducation vient trop tard, chez des peuples corrompus. Les germes de morale & de vertu, que l’on sème dans l’enfance des générations déjà viciées, ſont étouffées dans l’adoleſcence & la jeuneſſe par le débordement & la contagion des vices, qui ſont paſſés en mœurs dans la ſociété. Les jeunes gens les mieux élevés, ne