Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/110

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la vengeance, lorsqu’elle ne regarde que le temps passé, n’est autre chose qu’un triomphe, et qu’une gloire d’esprit qui n’aboutit à aucune fin (car on ne consi­dère que le passé et la fin doit toujours regarder l’avenir). Or ce qui ne tend à aucune fin certaine, est vain et tout à fait inutile. La vengeance, qui ne regarde pas l’avenir, procède d’une vaine gloire, et s’exerce contre toute raison. Mais d’offenser quelqu’un sans raison, c’est introduire la guerre dans le monde, et renverser la loi fondamental- de nature. C’est donc un précepte de la nature, que d’user de prévoyance en la ven­gean­ce des injures, sans avoir d’égard au passé ; et l’infraction de cette loi est ce qu’on nomme cruauté.


XII. Or, d’autant que sur toutes choses les témoignages de haine et de mépris excitent les disputes et les querelles, en sorte qu’il s’en trouve plusieurs qui aimeraient mieux perdre la vie, et à plus forte raison se priver de la paix, que souffrir une injure ; il s’ensuit que la nature ordonne en sa loi septième, que personne ne témoigne ou ne donne à connaître à autrui, par aucune de ses actions ou de ses paroles, ni par le rire, le geste, ou la contenance de son visage, qu’il le hait, ou qu’il le méprise. Le viole­ment de cette loi se nomme outrage. Mais bien qu’il n’y ait rien de si ordinaire que les outrages dont les plus forts offensent les plus faibles ; et que les juges jettent souvent contre les criminels des