Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/274

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autres, qui estiment, qu’à cause de l’infirmité humaine, il faut laisser aux lois seules toute la souveraine puissance de l’État. Mais, il me semble que ces gens-là ont peu profondément considéré la nature des États, quand ils ont pensé de laisser aux lois mêmes la puissance coactive, l’interprétation des ordonnances et la promulgation des édits, d’où dépend toute l’autorité nécessaire au corps de la république. Et bien qu’un particulier puisse plaider contre l’État et le tirer en justice ; cela pourtant n’a lieu, que lorsqu’il ne s’agit pas de savoir quelle est son autorité, mais de l’interprétation de quelqu’une de ses lois. Comme s’il est question de la vie d’un criminel, on ne s’informe pas si l’État, de sa puissance absolue, a droit de le faire mourir, mais s’il le veut par une certaine loi dont on est en controverse ; et il le veut si la loi a été enfreinte, mais il ne le veut point si elle n’a pas été violée. Ce n’est donc pas une preuve suffisante de l’obligation que l’État a envers ses lois, de ce qu’un particulier peut intenter action contre lui, et le tirer en justice. Au contraire, il appert que l’État n’est point obligé par ses lois, de ce que personne ne s’oblige à soi-même. Ainsi les lois sont faites pour Titus et pour Caïus et non pas pour le corps de l’État ; quoique la vanité des jurisconsultes ait gagné ceci sur les esprits du vulgaire, qu’on pense que les lois dépendent de leur prudence et non pas de l’autorité publique.