Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/285

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éloquence peu soucieuse de la vérité et de la connais­sance des choses, c’est-à-dire, qui n’a guère d’affinité avec la sagesse, soit le vrai caractère de ceux qui excitent la populace aux remuements, on le peut recueillir de cela même qu’ils osent entreprendre. Car ils ne pourraient pas abreuver le peuple de cette absurdité d’opinions contraires à la paix et à la société civile, s’ils n’en étaient imbus les premiers ; ce qui marque une ignorance dont un homme sage serait inca­pable. En effet, quelle sagesse médiocre peut-on attribuer à un homme qui ignore d’où c’est que les lois puisent leur force ; quelles sont les règles du juste et de l’injuste, de l’honnête et du déshonnête, du bien et du mal ; ce qui cause et ce qui conserve ou qui détruit la paix parmi le genre humain ; quelle différence il y a entre le mien et le tien ; et enfin ce qu’il voudrait qu’on fit à lui-même, pour le pratiquer envers les autres ? Mais, ce qu’ils peuvent mettre en furie leurs auditeurs, dont la tête était déjà mal faite ; ce qu’ils peuvent faire paraître le mal qu’ils endurent pire qu’il n’est et en faire imaginer a ceux qui n’en souffrent point du tout ; ce qu’ils peuvent les remplir de belles espérances et leur aplanir les précipices, sans aucune apparence de raison, c’est une faculté qu’ils doivent à cette sorte d’éloquence qui ne représente pas les choses telles qu’elles sont et qui, ne se proposant que d’émouvoir des tempêtes dans l’âme,