Page:Hobbes - Léviathan - Tome I.djvu/27

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produit que de mauvais fruits, la raison abandonnée à elle-mème ne saurait aboutir qu'à une connaissance imparfaite ; pour qu'elle conduise à la vraie science, l'esprit doit suivre certaines règles, se plier à une méthode « qui fasse, dit Hobbes poursuivant une comparaison par laquelle sa Logique débute, l'effet de la précaution de semer et de planter[1] ». La Science ne peut s'acquérir que par le droit raisonnement « recta ratiocinatio ». Et, comme raisonner n'est autre chose que se livrer à un calcul de mots[2], il suffit de ne pas se tromper dans ses calculs. C'est en suivant les règles de la Logique que nous pourrons y parvenir.

La valeur de cette distinction entre les causes et les effets conçus possibles et les causes et les effets réels ressortira mieux encore lorsque nous aurons examiné l'origine que Hobbes assigne à la connaissance scientifique. Suffise de noter ici que c'est sur cette distinction qu'il se base pour différencier la Sagesse ou Sapience, conséquence de la Science, de la simple Prudence qui elle ne dérive que d'une longue expérience, d'une bonne mémoire et de l'exercice d'une raison naturelle inculte.

  1. « La philosophie me paraît aujourd'hui cher les hommes, comme l'on raconte qu'étaient autrefois, dans la nature, le blé et le vin. Car, au commencement des choses, on voyait épars dans les campagnes quelques ceps de vignes et quelques épis ; mais on ne plantait ni ne semait… De même la Philosophie, c'est-à- dire la raison naturelle, est innée dans tous les hommes, car chacun raisonne jusqu'à un certain point et sur quelques sujets mais lorsqu'une longue suite de raisonnements devient nécessaire, la plupart divaguent et s'égarent faute d'une bonne méthode qui fasse l'effet de la précaution de semer et de planter… » Logica, I, I. Traduction Destutt de Tracy.
  2. Voir au Chapitre IV du Léviathan le rôle essentiel du Langage dans l'exercice de la Raison.