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Plein de déférence pour les membres du sénat, ne les recevant que debout, il exigea qu’ils ne parus- sent jamais en public sans être revêtus de la toge. Puis, par une de ces inconséquences si fréquentes dans son histoire , il se dérobait aux hommages , il revenait du sénat en litière pour éviter le cor- tège qui l’aurait accompagné ; il répudiait, le ma- tin, cette obséquieuse salutation du réveil que le plus humble patricien exigeait de ses chents. Quelquefois même il allait se baigner avec le peuple; et Spartien (1) nous racontée ce propos qu’il vit un jour dans un bain public un vieux soldat qui se frottait le dos à la muraille. L’ayant interrogé sur cette singulière manière de se sé- cher, il en apprit que le malheureux vétéran n’a- vait pas de quoi payer un garçon de bain, et il lui fit présent d’un esclave. Le lendemain il retourne au bain à la même heure , et aperçoit une quan- tité de vieux militaires qui , alléchés par la libé- ralité de la veille , et rangés contre le mur, imi- taient leur camarade. Cette fois il ne fit qu’en rire, et leur ordonna de se frotter les uns les autres. Ce fut pendant son séjour à Rome, dans la douzième année de son règne , qu’Adrien reçut du sénat le nom de Père de la patrie (2), qu’il avait refusé en montant sur le trône ; et il accorda en même temps à Sabine le titre A’ Auguste. H fit aussi vers cette même époque un second voyage en Mauritanie , où on ne manqua pas d’attribuer à l’influence de son arrivée des pluies bienfai- santes qui tombèrent enfin après cinq années de sécheresse. Revenu à Rome, Adrien se disposa à retourner en Orient, laissant l’Italie sous la pé- nible impression d’un des actes les plus cruels auxquels l’ait poussé son implacable vanité. Il ve- nait d’ordonner le supplice d’Apollodore de Da- mas, l’architecte célèbre qui avait élevé le forum deTrajan, l’admirable colonne qui s’élève encore au milieu de ses ruines , la vaste basilique qui passait pour l’un des plus beaux monuments de la ville éternelle, et le pont monumental que Trajan avait jeté sur le Danube. Dans les com- mencements de son règne, il avait cependant apprécié cet illustre artiste , et c’est à sa prière qu’Apollodore composa une Poliorcétique, dont l’extrait, parvenu jusqu’à nous, prouve l’étendue et la variété de ses connaissances. Malheureuse- ment, moins bon courtisan qu’habile architecte , il n’avait pas su ménager dans ses prétentions in- finies ce prince, qui voulait exceller à la fois dans toutes les branches des coimaissances humaines ; et, fatigué de ses conseils : « Allez peindre vos « concombres (3), » lui avait-il dit un jour. Ce jour fut le premier de sa longue disgrâce. Cepen- (i) Fita Àtlr,, c. XVI. (2) Voyez Eckhel, D. N. V., t. VI, p. 5i5 et suiv. Quelques meriailles trAlexandrie donnent à Siibine le titi’e d’Auguste avant la douzième année du règne d’Adrien. (3) Ce jugement d’Apollodore prouve l’exagération de Spar- tien loisqu’il déclare Adrien pictu/œ perilisiimus, et celle d’Au- relius Victor, qui veut que ses statues ne lussent gnêi e infé- rieures aux chefs-d’œuvre de l’olyclètc et ti’Euphranor, J’oy. Aui-, Vict., De Cœi., c. xix. nant Adrien, qui l’avait éloigné delà cour, était d’autant plus désireux de son suffrage qu’il avait plus de peine à l’obtenir; et lorsqu’il eut élevé ce temple de Vénus et de Rome, dont les débris cou- vrent aujourd’hui l’espace qui s’étend entre l’Es- quilin et le Palatin, il en envoya le plan à son critique. Or la cella se trouvait beaucoup trop basse pour les statues qui y étaient placées : « Si « vos déesses veulent se lever, lui répondit Apol- « lodore, elles se rompront la tôte(l). » L’artiste paya ce mot de sa vie. Adrien, législateur re- marquable, souffrait la critique des actes de son gouvernement; artiste impuissant, poète méclio- cre, il fut implacable pour quiconque l’attaquait dans ses œuvres artistiques ou littéraires. En l’an de J.- C. 130, nous retrouvons l’empe- reur à Athènes, où il assista à la consécration de plusieurs des édifices commencés dans ses pré- cédents voyages. Et ce ne fut pas seulement la ville de Minerve qui profita de son séjour : toute la Grèce recueillit les fruits de l’admiration que lui inspiraient sa civilisation et sa littérature. La route de Mégare à Corinthefut creusée au milieu des rochers, de manière à ce que deux chars pus- sent y passer l’un à côté de l’autre (2) ; puis Co- rintlie eut des thermes et un aqueduc qui y ame- nait les eaux du Stymphale (3). Il fit placer sur le tombeau d’Épaminondas un cippe avec une inscription qu’il avait composée lui-même (4); à Mantinée, il éleva un nouveau temple en l’hon- neur de Neptune Hippius (5). Un portique qu’il avait fait construire à Hyampolis, en Pliocide, portait son nom; et le grand temple d’Abès, con- sacré à Apollon, ayant été brûlé par les Tliébains dans la guerre Phocéenne, il en consacra un autre à la même divinité (6). A Némée, il avait rétabli l’hippodrome; en sorte que les Grecs, dans leur reconnaissance, lui décernèrent le titre de Pan Hellénien, puis celui d’Olympien (7), et que la ligue Achéenne lui consacra une statue en marbre de Paros dans le temple de Jupiter à Olympie (8). L’année suivante fut employée par l’empereur à visiter de nouveau l’Orient. Il rendit au roi des Parthes sa fille, retenue captive depuis l’expédi- tion de Traj an, et organisa en plusieurs États, dont il distribua les couronnes selon son bon plaisir, les contrées à demi sauvages situées à l’orient | et au nord du Pont-Euxin. Revenant ensuite vers le midi par l’Asie Mineure et la Syrie, il traversa la Judée, pénétra jusque dans l’Arabie Pétrée (9), et se dirigeant vers l’Egypte, il y entra par Péluse, où il fit élever à Pompée, nous ne disons pas, comme Spartien, un tombeau, pulsaue Plutarque (i) Dion, lib. LXIX ,§4. (2) Paus., liv. ), c. KLIV. (3) Ibid., liv. II. c. III. (4) Ibid., liv. Vni, c. XI. (5) Ibid., ibid., c. x. (6} Ibid., Phocidii, c. xxxv . (7) Voyez plusieurs inscriptions qui portent ce titre dans Mu- ratoii, p. 234. ?.3b, (S) Paus., liv. V, c. XII. (9> C’est au règne d’Adrien que commence la série impériale’ des méiaiUes de Pétra , qui porte même quelquefois le suriioin d’AAPIANH.