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ALEXANDRE (Princes anciens, MACÉDOINE)

pagoge, qui était rempli de matières combustibles. Les Macédoniens, après cet incendie, élevèrent une terrasse sur laquelle on plaça de grosses catapultes et des balistes, avec des archers et des frondeurs. Au moyen des vaisseaux que fournirent les rois de Chypre, différentes villes de Phénicie, les Ciliciens, etc., Alexandre se rendit maître de la mer, et se mit à l’abri de toute insulte de la part des vaisseaux tyriens. Il en profita pour faire avancer des trirèmes chargées de ponts volants. Des tours garnies de béliers étaient sur ces ponts, qui facilitèrent beaucoup l’approche du mur. On en abattit la longueur de cent pieds, ce qui n’empêcha pas les Tyriens d’opposer encore la plus vive résistance. Mais les deux ports extérieur et intérieur ayant été forcés par la flotte des alliés, la ville fut emportée d’assaut, après plus de sept mois de siège[1]. Si l’on ajoutait foi à Justin, la trahison ouvrit à Alexandre les portes de Tyr, qui ne résista que peu de temps[2]. Alexandre était occupé au siège de Tyr, lorsque les ambassadeurs de Darius vinrent lui proposer, pour la rançon de sa famille, dix mille talents et tout le pays situé en deçà de l’Euphrate. Ils offrirent encore, au nom de leur maître, son amitié et son alliance à Alexandre avec la main de sa fille. Contre l’avis de Parménion, le roi refusa toutes ces offres, et ajouta que si Darius venait le trouver, il éprouverait sa générosité[3]. Tel est le récit d’Arrien, qui diffère de celui de Diodore de Sicile. Ce dernier historien suppose d’abord deux ambassades, l’une et l’autre immédiatement avant la bataille d’Arbèle. Dans la première, Darius fait offrir à son ennemi deux mille talents d’argent et toute la partie de l’Asie Mineure en deçà du fleuve Halys. Sur le refus d’Alexandre, de nouveaux ambassadeurs lui font l’offre de trois mille talents du pays en deçà de l’Euphrate, et d’une fille de Darius en mariage. Le prince macédonien répond : « De même que le monde ayant deux soleils ne pourrait conserver son bel ordre, de même il est impossible que la terre soit en repos avec deux maîtres. » Cette réponse est digne d’Alexandre, qui finit par proposer à Darius de se contenter d’une paisible et honorable retraite[4].

Après la prise de Tyr, Alexandre se dirigea sur Gaza, qui ne craignit pas de s’opposer à la marche rapide du vainqueur. Cette ville lui résista pendant deux mois, soit par sa position avantageuse, soit par la vigoureuse défense de son commandant. Alexandre, durant le siège de cette ville, fut blessé à l’épaule par une catapulte. Les habitants de Gaza furent réduits en esclavage, et Alexandre, selon Arrien, fit de sa nouvelle conquête une place d’armes, qui fut peuplée par une colonie tirée des lieux circonvoisins. Strabon prétend, au contraire, que cette malheureuse cité fut détruite et demeura déserte[5]. Ce judicieux écrivain a confondu l’état où se trouvait Gaza dans les deux premiers siècles de l’ère des Séleucides, avec le sort de cette ville après sa destruction totale par Alexandre-Zabina, l’an 96 avant J.-C. Elle devint alors la proie des flammes, et ses habitants furent emmenés captifs, à cause de leur attachement pour les Ptolémées. Peut-être que la conformité du nom des deux princes qui avaient puis et saccagé Gaza avait induit Strabon en erreur.

C’est ici que nous devons placer un récit que beaucoup de critiques ont traité de fable. Suivant Josèphe, Alexandre occupé au siège de Tyr écrivit au grand prêtre Jaddus, qui venait de succéder à Jonathan son père, pour demander des provisions et des troupes auxiliaires. « Jaddus répondit par un refus, motivé sur le serment que les Juifs avaient fait à Darius de ne point porter les armes contre lui. Alexandre menaça de marcher sur Jérusalem aussitôt qu’il aurait pris Tyr. En effet, maître de cette ville et de Gaza, il se mit en marche vers la capitale de la Judée, avec l’intention de faire éprouver à ses habitants les terribles effets de sa colère, comme les Phéniciens et les Chaldéens qui étaient avec lui le croyaient. À cette nouvelle, le grand prêtre offre des sacrifices dans le temple, et ordonne des prières publiques. Dieu lui apparaît en songe, et lui ordonne de faire ouvrir toutes les portes de la ville, et d’aller sans crainte, revêtu de ses habits pontificaux, avec tout l’ordre sacerdotal, au-devant d’Alexandre. En conséquence, Jaddus, accompagné des prêtres et du peuple, sort de Jérusalem et va jusqu’à l’endroit appelé Sapha, d’où l’on voyait le temple de la ville. La vue de tout ce peuple vêtu de blanc, de cette troupe de sacrificateurs habillés de lin, et du grand prêtre avec son éphod et sa tiare, où le nom de Dieu était écrit sur une lame d’or ; cette vue fit une telle impression sur le prince macédonien, que, s’étant avancé seul, il adora ce nom et salua le grand prêtre. Tous les Juifs lui rendirent par un cri ce salut, et l’entourèrent. Les princes de Syrie et ceux qui étaient à leur suite crurent qu’Alexandre avait perdu l’esprit ; il n’y eut que Parménion qui, s’approchant de ce prince, osa lui demander « comment il pouvait se faire qu’étant adoré de tout le monde, il se prosternât devant le grand pontife des Juifs ? « Alexandre répondit : « Ce n’est pas lui que j’ai adoré, mais le Dieu dont il exerce la grande prêtrise. Étant à Dium en Macédoine, je l’ai vu en songe avec ses ornements. Je méditais alors sur les moyens de me rendre maître de l’Asie. Il m’exhorta à ne point différer mon entreprise et à passer avec confiance (l’Hellespont), parce qu’il conduirait lui-même mon armée et me livrerait l’empire des Perses, et que tout me réussirait suivant mes désirs. » Alexandre ayant donné sa main au pon-

  1. Diodore de Sicile, XVII, 46.
  2. Justin, XI, 10.
  3. Arrien, II, 26.
  4. Diodore de Sicile, XVII, 34.
  5. Strabon, XVI, 122.