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17 décembre 1777, et mourut le 1er décembre 1825. Catherine II se chargea elle-même de l’éducation d’un petit-fils qui lui devint d’autant plus cher qu’elle avait plus de répugnance pour son fils et son successeur immédiat, le malheureux Paul. Ce dernier n’eut aucune part à la direction que reçut dès ses premières années le jeune Alexandre. En confiant son petit-fils au comte Nicolas Soltikof, Catherine traça à ce gouverneur le plan qu’il avait à suivre, et écrivit de sa main les instructions qu’elle lui donnait. Rien ne devait rester étranger à son élève, hormis la poésie et la musique, qui, au jugement de Catherine, auraient pris un temps trop précieux sur les études plus indispensables au futur souverain. Le comte Soltikof choisit en 1783, pour précepteur du jeune Alexandre, César la Harpe, depuis l’un des directeurs de la Suisse, et dès lors partisan déclaré des idées libérales du siècle. C’est à cet excellent maître, appartenant à une famille estimable du pays de Vaud, qu’Alexandre fut redevable de ses connaissances variées, de son jugement prompt et sûr, de son goût exquis, de son esprit de tolérance et de philanthropie.

Alexandre, âgé seulement de quinze ans, épousa en 1793 Louise-Marie-Auguste, princesse de Bade, plus connue depuis sous le nom d’Elisabeth Alexéïevna, qui avait à peine atteint alors sa quatorzième année. Ce mariage, que les poètes célébrèrent dans toutes les langues, ne fut pas heureux. Quelques années après, Catherine termina sa glorieuse carrière, et eut pour successeur Paul, qui tomba victime d’un assassinat. Comme Alexandre le Grand, le jeune empereur fut accusé d’avoir trempé dans le meurtre de son père. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il eut connaissance de la conspiration ; on lui avait fait croire que ses propres jours, ceux de sa mère et de ses frères étaient en danger, et on lui avait peint sous l’aspect le plus sombre l’avenir du pays. Tous les regards se tournèrent alors vers le nouvel empereur, dont les qualités précoces avaient fait concevoir de si belles espérances, et Kiopstock en célébra l’immortel avènement par une ode à l’humanité. Ces espérances furent en grande partie réalisées : sous le règne d’Alexandre, la Russie fit des pas immenses dans la civilisation ; et l’heureuse influence de ce prince s’étendit sur l’Europe tout entière, et même sur une partie de l’Asie. Après avoir réparé les nombreuses injustices commises par son père, rappelé des déserts de la Sibérie les innocentes victimes, et ramené la marche du gouvernement dans la ligne que Catherine lui avait tracée, il rechercha pour son pays de nouveaux moyens de progrès, s’appliqua à en développer de plus en plus toutes les ressources, et à y assurer le règne des lois, qui avaient été jusqu’alors remplacées par la volonté du souverain. Héritier d’un pouvoir illimité, il déclara immédiatement, après son avènement au

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trône, qu’il ne reconnaissait comme légitime aucun pouvoir qui n’émanât des lois ; et ses premiers actes furent l’abolissemcnt du tribunal secret, la révocation de la censure introduite ; par Paul Ier, l’organisation du sénat comme haute-cour de justice, et le rétablissement du comité des lois, institué par Catherine II. Il introduisit la publicité dans la gestion des affaires, et donna l’exemple de ces comptes-rendus qui malheureusement n’ont point été renouvelés sous la même forme, mais qui permirent alors d’apprécier avec certitude les avantages et les défauts du gouvernement établi. Il abolit aussi la torture, comme une tache pour la société ; défendit la confiscation des biens héréditaires ; déclara solennellement qu’il répugnait à ses sentiments de faire des dons de paysans, comme cela s’était pratiqué jusque-là ; et ne permit plus les scandaleuses annonces d’hommes à vendre, qu’on avait coutume de lire dans les journaux. Toutes ses paroles, toutes ses manières respiraient la bonté du cœur, le besoin de se faire aimer, et l’amour le plus vrai de l’humanité. Sans faste ni prétention, il accoutuma lui-même la noblesse à des habitudes simples, comme il lui donnait l’exemple de l’élégance des mœurs et de l’amabilité des manières. Après avoir organisé la haute administration, rétabli les divisions territoriales de Catherine II, et remis l’armée sur le pied où Paul Ier l’avait trouvée à son avènement, Alexandre s’occupa des affaires du commerce et de l’instruction publique. Il conclut des traités avec plusieurs puissances, rendit des règlements sur la navigation, facilita les communications intérieures, favorisa les arts, et permit à chacun de ses sujets de se livrer à l’industrie que ses moyens le rendaient propre à exercer. Sous lui, les fabriques de la Russie prirent un essor remarquable ; le revenu des douanes fut plus que doublé, et ce pays commença à verser d’abondants produits sur tous les marchés de l’Europe. Quant à l’instruction publique, il ordonna en 1803 la fondation de trois nouvelles universités, indépendamment de celle de Dorpat qui lui doit aussi son origine, et de celle de Wilna qu’il réorganisa ; il fonda ensuite un grand nom.bre de gymnases, et décida que leur nombre serait porté à deux cent quatre, desquels dépendraient deux mille écoles élémentaires.

Mais ce dernier projet ne reçut qu’un commencement d’exécution. Pour s’assurer par lui-même de la fidélité de ses agents, et pour connaître les nouveaux besoins des localités, il faisait de fréquents voyages, admettait auprès de sa personne des hommes de toutes les classes, et recevait avec affabilité les placets quon lui présentait. Tant d’efforts concilièrent au jeune monarque l’amour de ses sujets, en même temps qu’ils attirèrent sur lui l’attention de l’Europe : ceux même qui n’approuvaient pas tous ses actes ne purent résister à la séduction de ses qualités personnelles, à ses procédés pleins de grâce et