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Page:Hoefer - Biographie, Tome 11.djvu/487

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minos, vieux marin, le pilote de Colomb dans son dernier voyage, ainsi que celui de Cordova et de Grijalva, dans les premières expéditions du Yucatan. Débarqué au cap Saint-Antonio, Cortés y passa la revue de ses forces ; elles se montaient à cent dix marins, cinq cent cinquante-trois soldats, dont trente-deux arbalétriers et treize arquebusiers, sans compter deux cents Indiens de l’île, et quelques femmes indiennes pour les travaux domestiques. L’armée avait dix pièces de canon, quatre fauconneaux, et d’abondantes munitions. On s’était procuré avec beaucoup de peine, et à des prix fabuleux, les seize chevaux qui formaient toute la cavalerie de l’expédition. Avant de s’embarquer, Cortés adressa une courte et chaleureuse harangue à ses soldats. Il toucha les cordes les plus sensibles chez les aventuriers d’alors, l’ambition, l’avarice, le zèle religieux. Son discours fut accueilli par d’unanimes acclamations. On célébra la messe. La flotte, placée sous la protection immédiate de saint Pierre, patron de Cortés, leva de nouveau l’ancre, et fit voile, le 18 février 1519, pour la côte du Yucatan.

Cortés suivit la même route que Grijalva, aborda dans l’île de Cozumel, où il recueillit un Espagnol nommé Aguilar, prisonnier depuis longtemps chez les Indiens, et qui servit d’interprète à ses compatriotes, et alla jeter l’ancre à l’embouchure de la rivière de Tabasco. Il s’y trouva en présence de ses premiers ennemis. Pour s’emparer de Tabasco, il dut livrer deux batailles, dont la seconde surtout (18 mars 1519), longtemps disputée, se termina par la déroute et la soumission des Indiens. Ceux-ci se reconnurent vassaux de la couronne d’Espagne, et promirent d’embrasser la religion catholique. Entre autres présents, ils offrirent vingt jeunes filles, toutes jolies, annoncées comme fort habiles dans les travaux du ménage, surtout dans l’art de faire du pain de maïs. Ces jeunes Indiennes furent baptisées le jour même où Cortés changea le nom de Tabasco en celui de Santa-Maria de la Victoria. L’une d’elles, qui reçut de ses nouveaux maîtres le nom de Marina, devait avoir une grande influence sur la destinée des conquérants du Mexique. Cortés quitta, au bout de quelques jours, un pays qui ne contenait pas d’or, et alla jeter l’ancre dans le port de Saint- Jean-d’Ulloa. Reçu avec confiance par les Indiens, qui se rappelaient le bon accueil de Grijalva, il apprit d’eux, par l’intermédiaire de Marina, qu’ils étaient sujets de l’empire du Mexique. Cet empire occupait un pays qui, sous le nom d'Anahuac, s’étendait de l’Atlantique à l’océan Pacifique, entre les 14° et 20° de latitude nord. Au milieu de cette région, un peu plus près toutefois de la mer Pacifique que de l’océan Atlantique, la célèbre vallée de Mexico, située à sept mille cinq cents pieds au-dessus du niveau de la mer, forme un bassin ovale, d’environ soixante-sept lieues de circonférence, enfermé par un haut rempart de roches porphyri-


tiques, que la nature semble avoir destinées, mais en vain, à le garantir d’une invasion. La plus remarquable des races qui occupèrent l’Anahuac est celle des Toltèques, peuple mystérieux, qui rappelle les Pélasges de la Grèce et de l’Italie. Venus du nord-ouest, ils pénétrèrent dans l’Anahuac vers le septième siècle de l’ère chrétienne, et y introduisirent une civilisation dont il restait encore des vestiges au commencement du seizième siècle. Après une période de quatre cents ans, ils disparurent de l’Anahuac, et furent remplacés par plusieurs tribus barbares, dont les principales étaient les Aztèques ou Mexicains, et les Alcothnes, plus connus sous le le nom de Tezcucans, dérivé de leur capitale, Tezcuco, sur le bord oriental du lac mexicain. Ces deux tribus et le petit royaume voisin de Tlacopan formèrent une confédération, dans laquelle les Aztèques occupaient la première place. Au moment même de l’arrivée des Espagnols, la domination de ces derniers s’étendait sur toute la largeur du continent, de l’Atlantique à la mer Pacifique. Ils possédaient une civilisation très-supérieure à celle des tribus errantes de l’Amérique du Nord, mais fortement entachée de barbarie ; leur gouvernement était despotique, avec de vigoureuses institutions judiciaires. Leur culte était le polythéisme. A côté de rites semblables à ceux des chrétiens, tels que le baptême et la confession, leur religion offrait les plus abjectes et les plus sanguinaires superstitions, les sacrifices humains et même l’anthropophagie ([1]). Lorsque Cortés débarqua, le 21 avril 1519 ( jour du vendredi saint) sur la plage déserte où s’élève aujourd’hui la ville de Vera-Cruz, les Atzèques étaient gouvernés par Montezuma (Moctheuzoma). Ce prince, qui avait porté au plus haut point la puissance de l’empire mexicain, avait donné de nombreuses preuves de courage, d’habileté, et même de grandeur ; mais il était superstitieux, et cette faiblesse devait être la première cause de sa perte. Après avoir établi son camp, et l’avoir mis à l’abri d’une surprise de la part des indigènes, Cortés entra en relations avec leur cacique Teuhtile, par la double entremise de Marina et d’Aguilar. Il demanda à visiter Montezuma, et le cacique promit de trans-

  1. (1) Les sacrifices humains furent adoptés par les Aztèques vers le commencement du quatorzième siècle. Très-rares d’abord, ils devinrent plus fréquents après l’agrandissement de l’empire, et finirent par souiller toutes les cérémonies religieuses : on immolait tous les prisonniers de guerre ; on sacrifiait aussi des enfants. A peine trouve-t-on un historien qui évalue à moins de vingt mille âmes le nombre des victimes annuellement immolées, et plusieurs portent ce nombre - cinquante mille. Lors de la dédicace du grand temple d’Huilzilopotchli, en 1486, soixante- dix mille captifs périrent, dit-on, sur les autels de cette horrible divinité. Pour comble d’horreur, le corps du prisonnier immolé était envoyé aux guerriers qui l’avaient pris, et ceux-ci l’offraient en festin à leurs amis. Et ce n’était pas un grossier repas de cannibales affamés, mais un banquet où abondaient des breuvages délicieux, des viandes délicatement préparées ; un banquet où les deux sexes prenaient place et se comportaient avec le plus grand décorum.