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Page:Hoefer - Biographie, Tome 11.djvu/488

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961 CORTÉS 952

mettre la demandera son souverain : c’était le jour de Pâques. L’entrevue, commencée par la célébration de la messe, se termina par une collation et un échange de présents.

Les premiers rapports des conquérants et de leurs futures victimes furent tout pacifiques, et les Indiens soulagèrent de leur mieux les Espagnols, accablés de chaleur sur la plage malsaine et brûlante de la Terra Caliente. Au bout de sept à huit jours, des ambassadeurs aztèques rapportèrent la réponse de Montezuma : il envoyait de magnifiques présents aux étrangers, et leur interdisait sa capitale ; c’était leur révéler à la fois son opulence et sa faiblesse. Cortés renvoya les ambassadeurs avec quelques légers présents et en demandant de nouveau avec instance la permission de se rendre à Mexico. Au bout de dix jours les ambassadeurs revinrent avec de nouveaux présents et la défense formelle d’approcher de la capitale. Cortés reçut cet ordre avec une feinte soumission, et se prépara à emporter de force ce qu’on lui refusait de bonne grâce.

Il commença par fonder la colonie de Villa-Ricca de la Vera-Cruz, et se fit décerner par la municipalité de la nouvelle ville les titres de capitaine général et grand-juge de la colonie, avec le cinquième de l’or et de l’argent qu’on pourrait acquérir par commerce ou conquête. Il se dirigea ensuite sur Cempoalla, dont les habitants, les Totonaques, récemment conquis par les Aztèques et impatients de secouer le joug, lui avaient envoyé des ambassadeurs. Cortés comprit que pour renverser l’empire des Aztèques il fallait soulever contre eux les peuples qu’ils avaient soumis et qu’ils opprimaient. En conséquence, il décida les Totonaques à ne plus payer tribut à Montezuma et à se placer sous la protection de l’Espagne. Il répondit d’une manière évasive à une troisième ambassade de Montezuma, qui lui apportait avec des présents l’ordre de partir, et renversa les idoles à Cempoalla, comme il l’avait fait à Cozumel. Les Totonaques, voyant leurs divinités incapables de se défendre contre la profanation, conçurent une triste opinion du pouvoir de ces dieux, comparé à celui des mystérieux étrangers, et ce mépris pour leurs propres idoles les rendit dociles aux prédications des conquérants. Cortés, craignant que Velasquez essayât de le perdre auprès de la cour d’Espagne, prit les devants, et expédia à Charles-Quint un navire qui, avec un riche présent, portait au monarque une lettre qui s’est perdue, mais dont on connaît la substance et qui contenait le récit des débuts et des premiers résultats de l’expédition. Ce vaisseau, conduit par Alaminos, mit à la voile le 26 juillet.

Pendant que Cortés prenait ses précautions contre un danger éloigné, un complot se formait dans son propre camp. Il le réprima sévèrement et facilement ; mais, persuadé que tant que le retour à Cuba serait possible il aurait à craindre de


nouvelles défections, il résolut de fermer ce refuge à tout le monde. Sous prétexte que sa flotte, avariée par des coups de vent et rongée par les vers, était hors d’état de soutenir la mer, il ordonna de couler bas tous les vaisseaux qui la composaient, moins un petit bâtiment. La destruction de la flotte est regardée avec raison comme un des actes les plus audacieux de Cortés, et qui rappelle Agathocle en Afrique. Le succès en a fait une action héroïque : en cas d’échec, elle eût passé pour un trait de folie. Cette destruction avait d’ailleurs l’avantage immédiat de rendre disponibles les cent hommes d’équipage.

Cortés, laissant une garnison de cent cinquante hommes environ dans Vera-Cruz, sous le commandement de Juan de Escalante, partit de Cempoalla le 16 août 1519, avec une armée composée de quatre cents fantassins et quinze cavaliers, avec sept pièces de canon ; de treize cents guerriers indiens auxiliaires, et mille Tamanes pour traîner les canons et transporter le bagage. Après une quinzaine de jours de marche, l’armée espagnole arriva sur le territoire de la petite et vaillante république de Tlascala, qui depuis plusieurs siècles maintenait son indépendance contre toutes les forces du Mexique. Entourée de tous côtés d’ennemis, étroitement bloquée par eux, elle n’avait qu’une existence précaire ; mais il lui restait encore de nombreuses ressources, et elle était forte surtout par le caractère indomptable de ses habitants. Aucune alliance ne pouvait être plus utile aux Espagnols. Les Tlascalans, alarmés pour leur indépendance, ne songèrent d’abord qu’à repousser les étrangers qui avaient envahi leur territoire. Le 22 septembre les quatre cents Espagnols et leurs Indiens auxiliaires, au nombre de trois mille, eurent à combattre trente mille Tlascalans. La supériorité des armes et de la tactique des Européens leur assura la victoire. Ils marchèrent sur la ville de Tlascala ; mais il leur fallut livrer une nouvelle bataille, le 5 septembre. Peut-être auraient-ils été vaincus si la discorde et la désertion ne s’étaient mises dans les rangs de leurs ennemis. Xicotencatl, général des Tlascalans, fut forcé d’accepter la paix ; et le 23 septembre 1519 les Espagnols firent leur entrée dans Tlascala, au milieu de l’enthousiasme général, car ces vaillants républicains voyaient dans les étrangers non plus des ennemis, mais des libérateurs et des vengeurs. Ces événements produisirent une profonde impression sur Montezuma. Depuis quelques années ce prince laissait à ses capitaines le commandement de ses troupes, pour se livrer tout entier aux fonctions sacerdotales. Il consultait les oracles dans les moindres circonstances, et cherchait à se rendre les dieux propices par des hécatombes humaines. Une tradition surtout l’inquiétait : Quetzalcoatl, la divinité bienfaisante, au teint blanc, à la barbe flottante, après avoir rempli sa mission de paix parmi les Aztèques, s’était embarqué sur l’Atlantique pour les mys-